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« En renonçant au n°48, à cause de ce très inopportun ‘Complément au numéro 47’, ne privé-je pas des milliers d’êtres d’un chef-d’œuvre de concision littéraire ? »,
se demande Dabek, pleinement conscient que ce qui est perdu ici ne se retrouvera pas ailleurs, bien décidé cependant à maintenir la cohésion comptable de son travail… et pas peu fier de sa maîtrise de l’interronégation.

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Ainsi, tout renoncement est également ouverture sur d’autres possibles.

Complément au numéro 47

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Qu’est ce que la littérature et qu’est ce que Freud ? Eh bien, le soir même où j’avais écrit ce qui précède (n°47, §2), me voilà de manière tout à fait inhabituelle à fouiller dans le tiroir où j’accumule mes fragments littéraires pour, parmi des dizaines de phrases du même genre volées à quelque auteur ou inspirées par mes recherches, écrites à la volée sur des bouts de papier et dos d’enveloppes et totalement oubliées depuis, extraire justement celle-ci :
« Peu avant sa mort, elle a ôté le coussin qu’elle avait sous sa tête et l’a mis sous ses pieds »

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« Il faut manger équilibré », expliquent à leur roi cannibale les nutritionnistes cherchant à sauver leur peau, « et il y trois sortes de gens : les protides, les glipides, et les lucides. Ces derniers sont bien plus difficiles à attraper ; ils se reproduisent peu et sont de constitution chétive. C’est pourquoi notre civilisation va à vau l’eau ».
L'argumentaire ainsi ficelé leur permettra-t-il d'éviter de passer eux mêmes à la casserole ? Ne font-ils pas montre, justement, de trop de lucidité ?
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J’ai gardé de mon accident et de ses suites l’habitude de dormir avec un oreiller entre les genoux. Et, aussi, je suis capable de ne plus rire quand je pense à la question de Magdane : "Si nos genoux pliaient dans l'autre sens, quelle serait la forme des chaises ?"

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« J’aimerais bien avoir plus de pouvoir d’achat, mais je ne sais vraiment pas si je peux me le permettre »
pense Dabek en contemplant les oreilles tissées sorties de son pantalon comme des presque noyés cherchant leur oxygène.

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Quand je suis arrivé le train était à quai
C’est bien pour Valence ? Oui montez !
M’a dit de loin le contrôleur hélé
J’étais sans ticket et suis allé lui dire mais il manquait de monnaie
Il a du prendre mon autre, tout petit, billet
Tout ça pour dire l’Euro gagné sur ce trajet.

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Ménalque sort de la marquise à cinq heures.
Il la referme, il s'aperçoit ensuite qu'il est en bonnet de nuit ; et venant à mieux s'examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, et que sa chemise est par-dessus ses chausses,
et constate que tout cela présente bien moins d’intérêt que ce qui a immédiatement précédé.

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Dans « L’absolue perfection du crime », Tanguy Viel note avec justesse le tissu musclé de la veste des vigiles, et leur cou en forme de trapèze.

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A Chateauneuf de Galaure, tout près du Palais Idéal, en troupeau fléché des lamas blatèrent autour de nombreux Cheval qui gisent dans la concession à Gaston.

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« Ainsi, toute mort peut s’évaluer par un chiffre en haut d’une pile », se dit Dabek en contemplant froidement l’avenir de son propre blog. Le gaillard étant pétant de santé, c’est là accorder un bien fort crédit aux hébergeurs de son site. Est-il à ce point pérenne, le « business model » de Blogspot ?

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« Vive Eros Jaja »
disait cette inscription faite en 1995 sur le bitume du Tour passant à Glay. L’inscription s’est effacée (elle renaît ici), et Jalabert (qui ne marchait pas qu’à la bibine), roule toujours, en plus maintenant il nage, il commente et il court.
« Vive Eros Jaja »

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« Plus que leurs coquilles d’acier s’élargissent,
plus que l’esprit des automobilistes devient étroit »
Se dit l’insensé cycliste que vient de frôler un projectile de deux tonnes
« de telle sorte que
plus que je pédalais moins vite,
moins que j’ai de chances d’arriver vivant »
Se rajoute-t-il, le sourire aux dents.

42

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1° S'emparer de (un être vivant).
2° Suivre une direction déterminée.
3° Se figer, épaissir.
4° Aller chercher.
5° S'emparer de quelque chose de force.
6° Se munir de, emporter avec soi.
7° Attraper, saisir. Prendre un bonbon.
8° Pousser des racines et continuer sa croissance après transplantation.
9° Réussir, donner le but recherché.
Cette définition du verbe prendre (http://www.la-conjugaison.fr) me donne envie de me lancer dans les jeux vidéos. La perspective du bonbon.

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Mon grand fils me demande de lui apprendre à jouer aux échecs
Occasion unique d’une leçon de vie
« On ne prend jamais en b2, même quand c’est bon »
Avait compris (trop tard) Boris Spassky
C’est uniquement en cas d’ouverture espagnole, fiston !

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Par son chant
Par les ailes
L’oiseau sculpte notre ciel
Couchant

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Comme ces gens qui ont vraiment connu Claude François en direct (et playback) à la télé pendant des années, Dabek reste abonné à l’EDF

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Le jeudi 27 mai 1968
A l’angle nord de la rue des Ecoles et de la rue de la Sorbonne
A 19 H 27
Quelqu’un a vu Ienisseï se perdre dans le sable
Sous les pavés

Ob et Ienisseï
Deux fleuves avec le monde autour
Qui a aujourd’hui disparu

Le jeudi 27 mai 1968
A l’angle nord de la rue de la Sorbonne et de la rue des Ecoles
A 19 H 27
Mai 68 s’est perdu dans les sables
Comme ces fleuves sans embouchure du Sahara
Comme Aa et comme Draa
Comme Ienisseï

Mai 68 n’était pas un fleuve
Mai 68 n’a jamais existé


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« Menteurs, soyez précis », conseillait Alexandre Vialatte

39

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Et sous la plage ?

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« Pendant que tout s’accélère, se bouscule et se frotte, l’axe de la terre ne bouge pas, au fond tout en cette surface bouge dans le même sens, tous ces petits mouvements n’ont aucune importance »
tente de se rassurer Dabek,
hésitant à insérer la longue aiguille à tricoter au pôle du globe qu’il vient de dessiner sur un ballon de baudruche.

38

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Chaque fois que mon manager me parle, j’ai l’impression qu’on me coupe un tendon

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Soit par son geste, soit par son chant
L’oiseau
Sans cesse
Sculpte l’espace

37

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Pourquoi si peu de candidats ?
Mais si il y en a plein !
Je les vois en bas de l’escalier
Ils passent la porte étroite en grouillant
Et se lancent à l’assaut des marches

Mais vite tout se délite
A peine trois marches et le grand nombre déjà épuisés s’assoient, et ne se relèveront plus
Ceux qui
parvenus deux degrés plus haut
Auront eu assez de lucidité pour décider de redescendre
Les pousseront tout à l’heure vers le bas, cadavres déjà, congelés, les faisant rouler pour tracer un couloir dans la neige

Et de ceux qui aurontvoulu aller plus haut encore
à la septième marche la plupart deviennent fous,
à la huitième ils regardent leurs doigts devenus noirs
leurs doigts morts et qui tombent,
en pleurant des larmes gelées

Certains auront eu l’idée de monter sur les dos des autres jusqu’à la troisième marche où s'éteignent la plupart, puis sur le dos des autres jusqu’à la cinquième, puis la septième et la huitième, et se seront enfin hissés jusqu’ici après quatre ou cinq montures

Ceux la je les refuse
Ceux la je les renvoie
*
Je regarde avec tristesse les os de ceux qui les ont portés,
Blanchis sous la neige dans l’escalier
Et je me dis qu’on aurait dû s’installer
Au rez-de-chaussée.
*

36

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Demain et hier, je les imagine bien comme je veux, mais aujourd’hui je suis bien obligé de le prendre comme il est et c’est pourquoi je me rendors jusqu’à demain.

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Revenez vite, je n’ai pas fait attention à vos mains !

35

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Délices avec un miaulement de poisson
Sorti de l’eau
A l’hameçon
Et sur le dos

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A partir d’un certain âge, on peut recommencer à s’émerveiller
(mais ce n’est pas acquis)

34

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l’oiseau, la branche
L’oiseau sur la branche
Qui tient l’autre ?
Qui est l’oiseau, malgré ses ailes ?
Qui est la branche et ses bourgeons ?

On était comme cela
Au dessus de nous
Suspendus à l’arbre
Entre ciel et terre
Et c’était bon

*
Quand on voit certains chiens, on regrette moins d’être un homme

33

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Que reste-t-il des livres qu’on a écrits ?
Quelques phrases peut-être
Qui surnagent comme des yeux dans le bouillon gras
On les mettra dans un poème
Mais pas celui là
L’Ob
L’Irtych
Le Ienisseï
Caïns sempiternels
Des livres qu’on a écrits
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Dabek a décidé de ne se réveiller que lorsque quelqu’un lui touchera le bras