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On ne fera pas dans la dentelle
Une fois faits on ne fera pas dans la dentelle
On les tirera vers le haut
On leur donnera les enseignements
On les aimera châtiera
Il y a des choses qui ne se font pas on leur fera comprendre cela
Et d’autres choses on leur apprendra comment trouver des autres pour les faire
On leur laissera le choix entre ci et ça
On les challengera on les évaluera
On leur apprendra à maîtriser leurs émotions
On les formera à jouer le tigre la gazelle la fouine la fourmi la limace la fontaine
On les mettra en face de leurs contradictions
On les mettra en face de leurs responsabilités
On leur rappellera qu’ils peuvent tout

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On les aura bien élevés
Pour qu’ensuite ils puissent faire avancer le Monde
A notre place
Comme avaient fait nos parents
Si après tout cela qu’ils ont fait
On l’avait finalement trouvée

316

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Toutes les courbes sont lesbiennes
Toute subvention est hermaphrodite
Certains platanes sont multirécidivistes
Ma charcutière est phosphatée
Un homme plessé n’en est pas pour autant Robinson
Aucun japonais ne rirait jaune en cas de marée noire
Tous les combattants sont en retard
De nombreux palestiniens craignent les confettis
Tout homme est un homme pour le loup
Tout De La Fontaine y admire son reflet
Tout nénuphar est –selon Wikipedia – vernaculaire ambigu en français
Certaines ombres pourraient être albinos
Tout homme descend d’une femme
Tous les carnavals sont adultères
Toute les naines blanches ont matière à s’inquiéter
Toutes les tombes tombent a plat
Tout contorsionniste a besoin d’instants de repli sur soi
Toutankhamon a perdu sa bande son
De nombreux lecteurs à ce stade cherchent sextant
Toutes les femmes cherchent le bon angle
Presque tout bon raccourci part sur la droite
Tout le maïs transgénique élevé sous la mère doit être tué dans l’œuf
Peu de plagiaires copient le nom de l’auteur


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Tout homme qui descend pense différemment de celui qui monte

315

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Téter le cérumen qui suinte des écouteurs de sa radio, son miel

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Le reste du temps Dabek fait eau de toutes parts

314

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Il est un lieu d’hiver où tout est blanc. J’ai vu le blanc et puis j’ai discuté avec les gens. Dans ce pays m’ont-ils dit rien n’est blanc. Ce n’est jamais le blanc il y a le jeune, le las, le mat, le frêle, le tassé, celui qu’on voit comme au travers d’un diamant, le stérile le futile le brassé l’immaculé le bizarre le pérenne celui avec des traces celui qui se tait celui sous lequel on entend le murmure de l’eau qui bourgeonne ce n’est jamais le blanc il y a dans ce pays un mot différent pour presque chaque blanc si bien que finalement en sortant de la cafétéria je n’ai plus du tout vu tout ce blanc que je voyais avant.

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Ils ont aussi des dizaines de mots pour dire la neige qui tombe, d’autres encore pour la dire étalée sur la terre, je me fais expliquer ces mots et ensuite la neige ne tombe ni ne repose plus comme avant. J’ai beaucoup appris de ce pays qui n’a pas de mot contrairement à ici pour dire ce que ne peuvent dire les mots, c’est pourquoi lorsque je trouve plus les mots pour dire je laisse tout en plan je ferme les yeux je me transporte en ce pays je regarde tomber les mille neiges derrière mes paupières de feutre où elle viennent se poser chaque fois différemment : indiciblement.

313

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Bien sûr je ne me rase plus. Je regarde les étagères où s’alignent tous ces livres en attendant –je les ai montées moi-même- que l’une s’écroule sur les autres et ainsi de suite. Je ne garderai que les livres tombés ouverts. Ce moment certes sera l’un de ceux qui sépare un Avant d’un Après.

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Où alors – si ça tarde trop – c’était une fenêtre que j’avais aménagée (condamnée), et c’est moi qui choisirai ce fameux moment. J’ouvrirai les volets qui retiennent les livres et je les pousserai au dehors, dans la chute. 
Ensuite, même crible.

312

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L’allumette m’a brûlé les doigts. J’avais besoin à ce moment là de rejeter un nuage par le nez. D’habitude je ne fume qu’à certains mariages ; là c’est différent. Cet homme m’a longuement regardé avant de se jeter dans le vide. C’est cette scène que je revois à travers la fumée, il n’y a rien à comprendre mais je voudrais comprendre.

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Puis j’ai jeté la cigarette depuis mon balcon, je l’ai regardée tomber comme elles font, avec une certaine lenteur, et toucher le sol sans s’exploser la rate ni se briser les os. Je voudrais comprendre.

311

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Dabek marche sous une étoile
Au cœur de la nuit il y a
Une clairière au cœur qui bat
Où les êtres n’ont pas d’ombre
Il va là
Où ils se font jour

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Devenu ce ciel
Il peint ce ciel

310

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J’ai été plus qu’avare de détails jusqu’ici dans mon œuvre sur la famille Saïto. Jusqu’à ces quelques lignes, et au-delà, rien qui concerne de près ou de loin la famille Saïto.

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(Et l’on pense immédiatement, à tort me semble-t-il, au Docteur Saïto. Mais bon sang ! Il n’était pas le seul ! Et qui sait ce que nous aurions fait à sa place et en de telles circonstances !)

309

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Un parfum de larmes de détresses
Etrangement c’est surtout sous la pluie qu’elles apparaissent
Je la prends dans mes bras pour mieux regarder la pluie tomber derrière elle
Les ventres de l’eau s’aplatissent au verso de la vitre
La campagne défile de moins en moins vite
Aiguillages oscillations la gare approche
Les larmes sèchent, voiture sept
Les sanglots se calment
S’immobilisent
On descend
C’est fini

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Oranges sanguines
Je pagaie à l’assaut des collines