406

Tu auras tué un gendarme
La veuve aura des larmes
L’état s’occupera d’elle
Chaque mois elle attendra le mandat
Vous ferez connaissance dans les fourrés d’un bal
Elle te nourrira
Tu t’installeras
Tu bénéficieras toi aussi du mandat
Un jour tu lui avoueras
Elle n’attendait que cela
Elle viendra te voir en prison
Chaque jour tu penseras à elle
Tu souffriras

*
L’érable te parle
Tu n’entends pas ?
Tu es tout entier le fusil que tu charges
Et tu y vas

405

*
J’ai soigné tout l’hiver mes plantes d’intérieur. C’est fini, maintenant. Voilà que refleurissent les rameaux et les fleurs. La vie renaît, dit-on. Ca pousse sur mon crâne, ça fait  le beau. Pâquerettes, primevères et violettes, insectes bourdonnants sortis de mon cuir, aussi. Le moi factice éclot malgré moi de mes interstices, colore les corolles, pollennise les pistils. Incontinence de sucs et de sève, d’extases. Ca va durer un semestre, un semestre où j’hiberne bien en deçà de la logorrhée de mon moi la haut, dehors, fécond, conforme, formidable. J’attends. Respiration imperceptible, température réduite, pulsations ralenties. Il reviendra. Rentrera. Vidé. Epuisé. Satisfait de ce qu’il a fait, il faudra que je lui explique. Ensuite je le rangerai à sa place. Il se laissera faire. Alors je sortirai dans la pluie de novembre qui bientôt sera neige.

*
La feuille a un moment
Vient son temps comme l’oiseau
De quitter son arbre
Comme lui elle reviendra
Et ce sera une autre

404

A-t-on le droit de se décourager, Edith ?
Bien sûr que non !

*
Est-ce qu'on est aveugle, ou est-ce qu'on est voyant ?
Bien sur que non !

403

Parfois un chemin s’impose à lui et il l’emprunte vers les prés, un bois, le grand pierrier. Parfois ce chemin disparaît en chemin. Alors ils restent là en plan tous les deux, c'est-à-dire lui tout seul pensant à son père spécialiste de ces chemins qui commençaient bien et n’allaient pas bien loin, son père roi factice d’un monde beau, petit et étroit qui ne menait pas loin. Lui, donc, et le chemin qui s’oublie.

*
Tout s’oublie en chemin

402

On frappe à sa porte. Il ouvre. C’est une jeune femme.
-          Bonjour, je peux entrer ?
-          Mais bien sûr. Je vous en prie !
-          C’est que… Je suis horizontale.
-          Je vois bien. On fera avec. Allez, entrez !
-          Vous avez une douche horizontale ?
-          Non. Une baignoire. Ca ira ?
-          Oui bien sûr, ça ira.
Et elle entre.

*
Pareil pour les libyens.