414

Je dors au fond d’une barque sans rame, entre le ciel et le lac noirs.
Je rêve : je suis au bord du trou étroit, le front appuyé sur l'air comme s’il reposait contre une vitre. J’entends loin les paroles de quelqu’un qui fait pleurer. Je me vois allongé au fond de la barque qui glisse. La nuit est un couvercle noir. J’ai froid. Je dors.

*
La terre sera-t-elle un abri suffisant ?

413

Le linge blanc que l'on étend
Bleu, nous sommes deux
Froissé, nos hanches se sont frôlées
Prend la forme du vent, c'était comme en jouant

*
Le reflet d'un ciel blanc
Bleu, nous sommes deux
Froissés, nos corps se sont mêlés
Prend la forme du vent, c'était il y a longtemps

412

Chaque jour chaque jour
Je reste des heures sur cette place
En compagnie de cet Antoine
Qui est parti

*
Son visage ses gestes son odeur son éternel polo son sourire triste ses gros biceps l'air qu'il chantonne le sourd de sa voix ses lueurs de roux
Ne rentrent pas dans les mots

411

Le célibataire
S'offre des fleurs de fossé
C'est son anniversaire
Et : DEUX verres de rosé

*
Il sort ses poèmes d'une sacoche
Comme le marin sort sa pêche
Ça pue déjà. C'est mort presque
Manque l'océan, définitivement

410

Je sors de ma douche et je tombe sur cette fille dans ma chambre en train de fouiller dans mes affaires. Elle essaie de s'en aller, je l'empêche, on lutte, je finis par l'immobiliser. Se sentant coincée elle menace de crier au viol. Je prends brusquement conscience que je suis tout nu, que dans l'épisode mon escargot est bien malgré moi sorti de sa coquille, je prends brusquement conscience que c'est moi qui suis en mauvaise posture. Je me ceins avec une serviette, on discute, longuement, elle semble se calmer, elle semble comprendre qu'il ne s'est rien passé. Je finis par la laisser partir. Ensuite je quitte l'hôtel, un peu en vrac, je suis en retard, j'ai rendez vous avec Angela.

- C'est tout ? 
- Non, ce n'est pas tout : je suis socialiste.


*
A l’entrée on est bloqués par des camions, ensuite on s’engage, la pente est forte, on voit très mal, je mets les phares, ça s’accélère, il y a une tension particulière dans l’habitacle, sensation que ça se passe mal, et finalement le bitume se dérobe sous les roues et c’est la plongée dans le noir et le silence absolu, rien n’indique la chute sinon le bon sens, ça continue jusqu’à ce que je pense enfin à tirer le frein à mains.