495


Une rue
Une nuit comme les nuits d’avant
Une lavandière avec son bac et ses deux bougies
Frotte
Lave, frotte
Le dos courbé sur son bac
Frotte, lave, frotte, rince
On ne voit jamais le visage des lavandières
Son visage éclairé par les bougies
Et les bras nus et rouges
Qui vont et qui viennent
Lavent, frottent, rincent, essorent
Le linge qui n’est jamais le sien.
On ne voit plus cela aujourd’hui
Dans la nuit avec les deux bougies
C’est la machine qui fait cela aujourd’hui
Frotte lave frotte lave encore rince essore
Et la misère a pris des formes plus propres
Frotte, frotte, essore, essore
Frotte et essore encore aujourd’hui

 (PPL PNE)

*
Excusez-moi, mais est-ce que vous pourriez cesser de vous reproduire ?

[nda, oct 2013 : je découvre que cette phrase que je croyais mienne a été écrite (en tout cas éditée) par Chloé Delaume, dans "Une femme avec personne dedans"]


494


On avait d’abord cru qu’il achetait toujours trop. Trop de draps. Trop d’oignons. Trop de savon. Trop de viande. Trop de poisson, de corbeau de mer. Trop de mouchoirs blancs et trop de mouchoirs noirs. Trop de tout. On l’accusait de gaspillage mais il fut vite prouvé que rien n’était perdu. Tant de gens ont pleuré quand il est mort que les oignons ont manqué et les mouchoirs noirs ont servi

          (PPL PNE)

*
« Il y a trop de tout », disait déjà Adamov, et qui aujourd’hui pour dire que rien ne soit perdu ?

493


Toujours quand il y avait de nouveaux invités pour les impressionner il lançait de toutes ses forces une noix dans la vitre de la salle à manger. Toujours c'était la noix qui cassait.  Toujours quelque soit sa vitesse d’impact c’est le plus faible qui craque Dabek expliquait-pérorait. Toujours il se souvient de cette noix intacte retombée sur le plancher. Verre brisé tout autour. Très difficile d'expliquer pourquoi il avait voulu casser une vitre de sa propre maison. Toujours. Très difficile. Le plus faible qui craque. Plus aucun impact. Jamais.

*
« Le cœur, quand ça s’arrête, c’est comme l’hydraulique d’un camion »





Lecture à Lyon pas seul au Cedrats le 8 avril, et à la librairie Le point d'encrage le 19 avril