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Quand il se sent mal, un quart d’heure trottoir à humer les odeurs d’une rôtisserie à roulettes suffit à le requinquer. Plus l’huile dégouline des peaux qui suintent et se craquèlent, plus il sent sa profonde légèreté intrinsèque remonter à sa surface et croustiller à la face des poulets, et plus il se sent vivant et libre dans son monde sans ergots.

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D’autres fois il téléphone loin, New York, Sydney, Montevideo, New Delhi, Pekin, toujours aux ambassades, pour sentir combien les secondes sont chères. Il ne parle pas ; l’autre, diplomatique, finit pourtant par raccrocher. Le cœur battant la chamade, il se retrouve alors en dette de temps comme un cycliste au paroxysme se retrouve brusquement décroché dans un col, en dette d’oxygène. Une dette qu’il ne pourra jamais rembourser, jusqu’au moment final où ces secondes là, qu’il vient de vivre pleinement, lui feront définitivement défaut.