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Je suis noir, je suis pauvre, je n’ai pas d’identité, j’ai brûlé mes papiers. Je m’appelle Moussa, ce n’est pas mon prénom. Je viens du Sénégal, je vis sans traces. Un jour j’ai traversé l’Atlantique dans une pirogue, c’est pour ça. Je lis les romans de Wendy Guerra sur Cuba. Ils sont beaux. J’ai vu sur le Net, c’est la plus belle femme du monde. Je vais à une séance de dédicace. Je suis le seul noir ici, Wendy a la peau très blanche. Je la regarde, elle me regarde, elle sent que je l’aime, je sens qu’elle est triste. Au moment de la dédicace je lui demande d’écrire simplement une adresse, mon adresse. Elle signe « Fidel », elle dit qu’elle viendra.


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Deux mois. Je l’attends. Elle ne vient pas. Des policiers viennent, mon nom mes papiers. Je m’appelle Fidel et je viens de Cuba, mes papiers c’est le livre. Ils le prennent.


(Re création d’un texte de Pierre Cherruau, « Adouna », Zaporogue #7)