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Scotchés au bout de la nuit dans des draps peau chauds et inamovibles. Au-delà l’aube froide, clinique, impossible, où il faudra bouger. Lutte terrible, quotidienne, célèbre, lorsque sonne le réveil entre ce nous lové et cet autre inatteignable. Lutte perdue d’avance, et pourtant si souvent gagnée. Car finalement en une seconde la mue impossible s’est faite, on a rejeté les draps qui ne sont déjà plus rien, on est assis sur le sommier et déjà debout, déjà prêt, déjà d’attaque pour une vaillante journée déjà gagnée.
Il faudrait Proust pour décrire cette seconde là, cette mue. Ca serait long. Personne ne lirait. Cette seconde de trente pages (plus d’innombrables échos partout ailleurs dans l’Oeuvre) serait perdue dans le temps perdu. D’ailleurs, elle l’est. Car elle y est. Personne ne l’a vue ou ne s’en souvient, mais elle y est. Et c’est finalement en ces quelques lignes qu’elle renaît, certes à peine ébauchée, mais tellement réelle qu’on se demanderait à bon droit si l’écart est si grand entre Proust et moi.

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Brusquement, je me suis levé Proust.