618

 J’ai vu un garçon dans sa toile                                                                          
                                                 Ils diront sa silhouette de travers

*

L’excès de poussière ne nuit pas à la nuit     
                                                 L’écho retourne à l’horizon de l’aube


(Bivers faisandés, 2)

617

Le glas du charpentier résonne                          
Dans ce jardin, l’oubli du cerisier
 
 * 
 
L’élastique en sursis dans les têtes
Le présent du cerveau est fragile
 
 
(Bivers faisandés, 1)

616

 Ce n’est pas un être, mais un système. Plus exactement : un milieu. Milieu sans centre, sans tête, en devenir sans cesse, essentiellement des filaments, essentiellement souterrain. Indissociable de son milieu, parce que lui même milieu. De temps en temps sort un champignon, peut-être par jeu, peut-être pour prendre la température, peut-être est-ce une évasion, de toute façon ça nous rappelle que le rhizome est là, sous nos pieds, partout.

*

Dieu, on le sait depuis Edmund Gosse, a caché des fossiles de plusieurs centaines de milliers d’années dans les roches pour mettre à l’épreuve la foi chrétienne des géologues.


615

 Pologne 
 Cologne
Sologne
Bologne
Vologne

*
De partout elle ramène des cailloux 
Un jour pour rire elle va à la rivière
 Ramasse plutôt une pierre
 Se la met autour du cou
 C’est tout

614

 

Si l’on m’obéissait tout serait plus simple. A l’automne, je souffre souvent d’hyper-digestion. J’ai réalisé mon rêve, mais la vie continue. Je préférerais être un drone qu’un oiseau, un dauphin qu’un bathyscaphe. Les vaches sans cornes, cela m’accable. J’efface les marques de mon passage. Moins j’ai de possibilités, plus je suis libre. Quand je jette un œil, c’est au pied de la lettre. Je finis toujours par retrouver mes clés. Auprès de mon arbre, je suis heureux. J’ai rencontré des justes. Je plante des nains de jardin. J’ai fait forte impression à plein de gens.Je n’aime pas quand on dit scenarii.

*

Je remercie Edouard Levé.

613

 

Je donne rapidement raison à mes contradicteurs. Je n’achète pas la première fois. Je fais des feux de bois au bord des rivières. J’achète bio. Je dors de moins en moins recroquevillé. Je possède une petite falaise. je me régale dans les petits musées de province. J’essaie d’attraper les feuilles mortes avant qu’elles ne touchent le sol. Il me reste pas mal d’amer à boire. Je n’ai même plus d’ennemis. Je préfère le trottoir d'en face. Sous mes dehors bourrus, je cache un coeur d’or. Mozart m’ennuie.

*

Je remercie Edouard Levé.

612

 

Je ne sue pas : je suinte. Je préfère l’aval à l’amont. J’ai été cambriolé. J’ai perdu mes désillusions. Je n'aurais pas écrit gargouillis comme ça. Personne ne s’adresse spontanément à moi. Pendant les tours jumelles, j’étais dans la même pièce que Clark Kent. J’ai produit 750 milliards de spermatozoïdes. Je cherche une alternative acceptable à la phrase « j’ai possédé plus de voitures que de femmes ». Je me souviens d’une scène banale, à Brest, dont le petit enfant que j’étais avait décidé de se souvenir toute sa vie. J’ai l’impression de progresser. Je préfère les acouphènes aux grillons. Plus personne ne porte le nom de jeune fille de ma mère. Si ça c’était fait à bulletins secret, j’appartiendrais au peuple élu. Je regarde les femmes quand elle se penchent.

*

Je remercie Edouard Levé.

611

J’ai longtemps cru que les montres remontaient le temps. Je surveille mon poids. Dans un paysage, il me faut au moins un cyprès. Mes poèmes d’amour échouent toujours. Je vais vers le kitch. Je peux courir avec un seau plein de lait sans en renverser une goutte. Pour pouvoir cracher sur les cyclistes, je roule dans une voiture anglaise. Je me sens coupable de la Shoah. Je ne répare surtout pas les pots cassés. La nuit, je me déplace sans allumer. Je fétichise les omoplates des femmes plates. J’ai failli être réincarné en planche de surf. Dans un ascenseur je confonds le bouton pour fermer et celui pour ouvrir. Rue de Vaugirard, j’ai croisé la fille de l’air. J’attache ma ceinture après avoir démarré.

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Je remercie Edouard Levé.

610

Je fais des croix sur mes boutons. Je suis hyper émotif. Je ne juge personne d’après ses narines. Je m’attends à une fin de vie heureuse. J’ai rencontré quelqu’un de normal. Il m’arrive encore de faire des guillemets avec mes mains. Je profère des phrases problématiques. Je me crois très élégant sur mon vélo. Je boycotte Israël et le Maroc. J’invente d’abord, j’apprends ensuite. Je saute dans les flaques. Sans cesse mes lacets se délacent. Je suis mieux en vrai. Je n’aime pas les sports extrêmes. Une forte inhibition me maintient à distance de mon propre corps. J’en ai un peu assez.

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Je remercie Edouard Levé.


609

 

Je retournerai à Ouessant. Je peins les boîtes aux lettres en rouge. J’aime entendre bêler au loin. Je dis que je renonce, en vrai je ne peux plus. Je ne sais pas recoudre un bouton. Mes parents seraient fiers de moi. Les feux passent au rouge à mon approche. Je regrette l’odeur des cabines téléphoniques à pièces. Mes rêves sont plus moi que moi. Je vois du Jérôme Bosch de partout. C’est plus simple si je le fais moi-même. Je pense qu’on ne peut pas toucher le fond.

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Je remercie Edouard Levé.

608

 

Je me méfie des petits gros joviaux. Je me réveille avec les dents grasses. Je n’ai pas envie de connaître l’Inde. Je suis celui qui aime. Plus la roue tourne, plus cela m’éloigne du moyeu. Il est improbable que me plaise une femme tatouée, fumeuse, prônant la bienveillance et buveuse de thé citron. J’ai de plus en plus de mal à enfiler mes chaussettes. Je suis un français de souche. J’ai sans doute été trépané. J’ai voté Chirac, Bové, Ségo, Flanby. Je ne suis pas abonné. Mes pensées ne sont d’aucune utilité. Le son d’un train qui gémit me bouleverse.


Je remercie Edouard Levé.