166

*
Galilée et Bourgois retournent à l’envoyeur, non décapsulé, le manuscrit de mon dernier opus. Ils veulent sans doute me signifier ainsi leur désir de me voir à l’avenir jeter le contenu de ma tinette ailleurs que dans leurs cours, que foulent respectivement le subjonctif Bergounioux et l’immense Lobo Antunes. D’autres Grandes Maisons, plus hypocrites ou délicates, me font comprendre par lettre la peine que je leur fais à polluer ainsi sans vergogne les espaces les plus sauvages et préservés de la planète éditoriale. Il m’invitent amicalement à mieux contenir à l’avenir mes dérives logorrhéiques, et m’expliquent qu’en tout état de cause mes récentes déjections littéraires seront sani-broyées, comme celles de mes innombrables collègues incontinents, dans le plus strict respect des normes en vigueur dans les mythiques salles blanches des comités d’hygiène et de lecture.

*
Merci bien.
En attendant, conséquence inattendue ce ces quelques bouteilles livrées aux quarantièmes rugissant et qui au mieux rejoindront à l’échouage aux îles Kerguelen quelque malheureux coursier dématé du Vendée Globe, la source des miniatures et autres rimes regrettables semble se tarir... Comme peau de chagrin ? Allez ! On n’est plus à ça près…
A l’année prochaine

165

*
« Les cartes ont dit que je la rencontrerais dans la vie, mais sans la reconnaître »
(Eluard)

*
Et la voilà pourtant. Peu de vent
Les feuilles tombent avec langueur
Dame de pique dame de cœur
Dans chaque geste qu’elle fait
Un oiseau qui dépasse

164

*
Dans le parc la nuit les statues se caressent (à) la lune blanche.

*
Je ne crois que ce que je vois pas

163

*
Je donne mon sang, et personne n’en veut.
Je change de rhésus, et personne n’en veut.
Je mets une belle étiquette dans un flacon élancé, personne n’en veut.
Je distribue sous autre nom, et personne n’en veut…
Qu’est ce que tu crois mon vieux, c’est bien joli tout ça, mais si tu t’imagines que les gens sont prêts à prendre tout ce sang que des types innombrables comme toi veulent absolument leur donner ! Tu ne penses pas que vous exagérez un peu ? Ils n’auraient que ça à faire, les gens ? Prendre votre sang, se l’introduire dans les veines, se sentir patraque pour que tu sentes mieux, toi et tous ces donneurs à qui personne n’a rien demandé ? Pour qui vous prenez vous donc ? Et d’abord, qu’a-t-il de si particulier, votre sang ? Autres chose que les ingrédients habituels, globules, plaquettes ? Dans un ordre différent, tu dis ? Et alors ? Il faudrait se saigner aux quatre veines pour ça, pour faire de la place à ce jus de betterave ou à ce brouet à la viscosité malsaine ? Allez ! Pose ton flacon là, auprès des deux mille autres, je vais voir ce que je peux faire pour cette fois. Mais pour le reste oublie ça veux tu, garde-le, ton sang, si tu penses vraiment qu’il est si bon !

*
Ayant appris au cours du week-end la différence entre une comparaison et une métaphore, Dabek persiste et signe : il métaphore comme un turc, après avoir par mégarde comparé comme à Gravelotte.

162

*
Saoul comme un russe
Rustique comme un islandais
Dépravé comme un français
Encerclé comme un suisse,
Hystérique comme une maghrébine
Binaire comme un yankee
« Anch’io » comme un lombard
Barbu comme un afghan,
Gangrené comme un zimbabwéen
Inverti comme deux grecs
Rectal comme un brésilien
Ilien comme un tongien,
Intime comme une cairote
Hautaine comme une andine
Innombrable comme un chinois
Oisif comme un levantin,
Indien comme deux tu l’auras.

*
Dabek métaphore comme un turc

161

*
Le nombre de bises est premier. Un en pays Bigouden, deux ici, trois là, sans que l’on sache jamais où commence le là, où s’achève l’ici, de telle sorte que deux bises du matin deviennent trois du soir ou de l’autre côté de la rue.
Avec Jeanne j’ai essayé cent soixante trois bises, c’est un nombre premier.
Elle m’a giflé à dix sept, c’est un nombre premier.
C’était peu dix sept, et douloureuse la gifle, mais ça fait qu’elle était ma fiancée, surtout qu’elle est de Saint Guénolé où l’on ne fait qu’une bise,
Sauf si l’on est engagés.

*
Mon pays c’est les joues de Jeanne,
J’y joue avec les nombres premiers,
Jusqu’à ce que gifle me prenne
Parce que de bises j’ai trop volé.

160

*
Un oiseau est posé sur la table
Un mot
Une chose l’autre
Quelques secondes
Le geste qu’il ne faudrait pas ne viendra pas
La table aux quatre pieds
La terre est toupie
Quelques secondes d’oubli
La table est nue
Quelques mots
Se sont envolés

*
.....

159

*
Un soir elle m’a montré ses seins, puis elle est partie. Dormir dans la mer. Ils étaient blancs. Ils étaient lourds. Elle flottait. Couchée dans l’eau elle regardait la lune. Sa robe la portait. L’océan n’a pas voulu de sa bouche. Le flux l’a échouée sur l’île de sable, de fleurs et de cailloux où je l’attendais à genoux. Ils étaient blancs, ils étaient lourds, ils étaient aussi sucrés que salés.

*
Ici.
Où commence une miniature ? Où s’achève-t-elle ? Ici et là.
Là.

158

*
Pas si grave, cette roue qui tourne, pense Dabek le hamster en ralentissant son rythme comme pour se rassurer. J’arrête quand je veux, simple affaire de volonté et de technique.
Malgré tout il lui arrive de craindre que, s’il s’arrêtait vraiment, les autres roues qu’il sait pourtant engrenées à la sienne continuent à tourner sans lui, comme si les types dedans n’avaient plus besoin de son énergie, accumulant même par leur course libérée de lui un surcroît d’électricité qui lui serait restituée plus tard, par exemple le jour où on lui avancerait cette chaise métallique aux bras si confortables, là, en l’invitant à s’y installer pour se reposer de tous les efforts fournis.

*
La menace est très forte mais en réalité la plupart des violences modernes n’atteignent pas l’atome. C’est pourquoi on se fait tout petit et on remue très vite

157

*
L’on m’écrit (cf n° 144), je réponds : bien sûr, je le sais bien, que je ne suis pas Proust ! Ce n’est qu’un jeu. Lui et moi, on collabore, c’est tout. Tenez, on voit bien qu’aujourd’hui la littérature a fait de gros progrès, et que l’écriture de Marcel a besoin d’être retaillée, désodorisée, lissée par copier coller, compactée. Eh bien, je saurai faire : n’ais-je pas récemment écrit un magnifique « La bible, mais en plus petit » qui fut édité sur un grain riz et il restait encore plein de place ? Avec lui à la production logorrhéique et moi au poste « modernisation, compactage et adaptation », sûr qu’on aurait exploité cet espace pour y adjoindre un troisième (accompagné de merguez) et un quatrième (avec jésus cuit) testaments, et on aurait servi le tout avec forces moucharabiehs et graines de catleyas. On a raté ce coup là car Marcel ne m’avait pas encore découvert, mais on a d’autres beaux projets !

*
Allez, je vous livre notre secret : Marcel et moi on travaille sur « A la recherche du temps raccourci », c’est « Le temps perdu » au format d’un livre de Annie Ernaux, très important pour être au programme des collèges ! Rien que pour vous, ce court extrait en forme de rimes regrettables :
Swann et Albertine
Sont dans un bateau
« Pince-moi », dit la Tine
Marcel tombe à l’eau
Alors, elle est pas belle, la nouvelle littérature ?

156

*
« Ce sont toujours les autres qui meurent ». J’avais trouvé ça tout seul mais j’ai appris ensuite que c’est sur celle de Marcel Duchamp. J’ai alors pensé à « tout ce qui n’est pas sécurisé est indéfendable », mais j’ai eu un peu peur que ce ne soit pas bien compris. Alors oui, sur ma tombe ce sera ce petit message découvert ce matin sur un post-it collé à un mémo qui m’était soumis :
« Voilà où j’en suis arrivé, je ne sais pas si c’est bien »

*
« Dans notre esprit, nous ne faisons pas de stock »
(Extrait d’une note interne destinée aux nouveaux embauchés)

155

*
Chacun a allumé une tige. Ils se sont assis pour tranquillement la fumer. Ils échangeaient quelques mots vides entre les bouffées. La fumée montait très lentement vers les cimaises du théâtre, ça a duré jusqu’aux filtres alors ils ont repris leur rôle et, quelque soit la pièce qu’ils jouaient, à cet instant on est sortis changés de Guantanamo.
.
*
Rimes regrettables :
Ils m’ont offert tant de fleurs
J’ai dit que je manquais de vases
Ils m’ont fait cadeau de leur cœur
Je le case au bout de cette phrase

154

*
Depuis qu’on s’est parlé, le jour s’est levé

*
Sur la nappe de papier du Thabor, j’ai délimité au crayon l’ombre portée du quart de rouge et, l’ayant déplacé, j’ai observé que le dessin ainsi tracé reproduisait très exactement l’ombre portée d’un quart de rouge. Ce constat m’a surpris après un
quart de rouge

153

*
Le miroir à débosser n’est pas gondolé comme dans les foires, c’est un miroir plat. On le place sans le lui dire sur le chemin de la bossue qui le découvre à l’improviste, elle se redresse alors instantanément et même se cambre, elle remonte et raffermit ses pommettes et mamelles sans même y toucher et conserve la posture au moins jusqu’au bout de la rue et parfois pour la vie.
Inopinée, une vitrine fait immanquablement office de miroir à débosser.

*
Pour l’autre sexe existent les Lolita à débosser, plastique expansive, grands yeux de biche, même impact improviste mais absolument pas plates.

152

*
Le monde où nous vivons nous rejette. Le monde où nous vivons ne veut pas de nous. Le monde où nous aimons, où nous voulons être, où nous créons, le monde pour lequel nous sommes. Le monde où nous vivons nous rejette comme si ce n’était pas nous. Ce monde sans nous est mort. Il nous rejette comme une tombe, comment un parent à jamais disparu, et il ne reste plus, dans ce monde qui est mort, que de rester vivant, rester nombreux, seuls, et vivant.

*
« Voilà où mène l’impérialisme », dit depuis longtemps ce slogan qui s’efface sur le fond décrépi d’un local technique, à l’entrée sud de Chateauneuf de Galaure. Depuis qu’il a adopté son parcours d’hiver, l’abîme tranquillisant où le plongeait chaque fois cette déclaration manque à Dabek plus encore que l’effort physique que nécessitait son trajet à sa rencontre à travers la Drôme des collines. La reverra-t-il au printemps ? Aura-t-elle le même effet avant la rude côte qui lui succède ?

151

*
- Mais non ! Vous faites erreur ! En rien nous ne somme chiches, ni pois ! Nous ne sommes que des bivalves accrochés à leur rocher qui n’est pas d’agneau, et l’onde qui nous baigne n’est absolument pas un jus de légume, le goût de harissa que vous lui trouvez est tout à fait accidentel, épisodique et évanescent ! Savez vous qu’un arrêté préfectoral interdit actuellement notre consommation, contaminés que nous sommes par un bacille spongiforme ?

*
Bah ! se dit Dabek entendant des voix. Qui donc irait contrôler ce restaurant berbère de Saint Donat l’Herbasse, au plein cœur de la Drôme des collines ?
Et il se met à avaler, de plus en plus vite, de plus en plus loin et s’éloignant toujours, jusqu’à ce que la marée montante du Merdaret mette fin au festin.

150

*
Son fils insiste pour qu’il lui procure un câble sans fil, immédiatement et coûte que coûte… Par cette demande comminatoire tout ce qui reste encore à inventer à produire et à vendre redevient instantanément infini, comme dans le rêve libéral et mortifère dont Dabek, au vu d’évènements récents, croyait bien naïvement le monde capable de sortir.

*
Whisky encore, souvenir d’été toujours :
Mon hamac est figé,
C’est les étoiles qui bougent,
La grande ourse est cachée,
Où donc est Mars la rouge ?

149

*
Whisky
Souvenir dé l’été sous l’érable
Tangage du hamac
Regardant filer l’avion rose qui tisse son fil blanc dans le ciel bleu du soir on entend presque, pout pout pout pout pout pout pout, le bruit de tam tam d’un bateau de pêche qui s’éloigne.
Et voila,
Whisky
Voilà que vraiment l’avion se met à saccader par son pot d’échappement,
Lâchant à chaque fois
Pout pout pout pout pout pout pout
Un rond nuage blanc.
« C’est malin ! »
Secoués
Se disent les gens dedans.

*
Je l’ai rendu aphone à la SPA
Je n’avais pas trouvé sa pédale oua-oua

148

*
Nous nous cherchions l’un l’autre quand nous étions ensemble.
L’ami m’ayant abandonné, je fis un feu.

*
La photo montre deux jambes habillées d’un vieux jean devenu blanc aux cuisses qui portent un mur de grosses pierres sombres solidement cimentées. A partir de mi-cuisses il couvre tout le cadre et, on le sent, bien au-delà. Si l’on fait l’effort de considérer que cette photo n’est pas une photo, alors c’est moi : je découvre ainsi que je suis comme cela lorsque le mur solide et invisible que je porte devient apparent par les miracles de la technique numérique. Je m’étais extrait d’un sommeil très lourd pour repenser à cette photo prise la veille face à un demi miroir de rue, et faire ce constat. Maintenant qu’il est fait je retourne immédiatement au plus profond de ma nuit, et je l’oublie à jamais.

147

*
Au procès Dabek a expliqué que les ossements et chairs adolescents étaient déjà splashés sur les murs lorsqu’il est entré dans la salle, que ses élèves à lui auraient écrit « frèche », qu’il n’avait pas intérêt à leur mort qui signifie la fin de sa vacation, etc., etc.
Mais rien n’y a fait.

*
Instruit par l’écriteau « peinture fraîche » au dessus du linteau, il avait précautionneusement poussé la poignée de la porte entrouverte en évitant d’en toucher le vantail et le pot s’était renversé, rouge et à l'huile, sur son habit impeccable et son « bonjour ! » replet.

146

*
« Schmuck, shmock, shaitel, shalom, shikseh, shlemil, shlepper, shmaltzy, shmuts, shmutter, shnorrer, shtep, shrik, shul, nebbish, mashugga, chutzpah, Schmuck, shmock, shaitel, shalom, shikseh, shlemil, shlepper, shmaltzy, shmuts, shmutter, shnorrer, shtep, shrik, shul, nebbish, mashugga, chutzpah, Schmuck, shmock, shaitel, shalom, shikseh, shlemil, shlepper, shmaltzy, shmuts, shmutter, shnorrer, shtep, shrik, shul, nebbish, mashugga, chutzpah… »
Traduit du yiddish, le bruit de ma machine à laver signifie :
« bite, bite, perruque, paix, fille non juive, idiot, traînard, larmoyant, saleté, loque, mendiant, forniquer, tricherie, synagogue, gringalet, cinglé, culot, bite, bite, perruque, paix, fille non juive, idiot, traînard, larmoyant, saleté, loque, mendiant, forniquer, tricherie, synagogue, gringalet, cinglé, culot, bite, bite, perruque, paix, fille non juive, idiot, traînard, larmoyant, saleté, loque, mendiant, forniquer, tricherie, synagogue, gringalet, cinglé, culot… »

*
« Pétales dans l'aube
La rose s’envole
Petits bruits d'ailes "
En japonais, cette miniature est composée de 5 puis 7 puis 5 « mores » qui, prises isolément, signifient… tout autre chose.
(Il faudrait être aussi bon en japonais qu’en yiddish. Il faudrait également savoir écouter les poèmes avec toute l’attention qu’on porte à son linge)

145

*
Une blonde qui fredonne « en rouge et noir », pas besoin de regarder les racines ni les hanches : c’est une brune.
*
Un poète qui déclame
« En rouge et noir
J’exhiberai ma peur
J’irai plus loin que des montagnes de douleur»
En fracassant la scène de la salle des fêtes de Bougé-Chamballud avec une masse
C’est une "performance"
Et c’est également une brune

144

*
Proust, je me lève bien plus facilement (voir n° 140). Mais ensuite aussitôt j’ai envie d’écrire, alors que c’est pour m’envoyer trimer que le réveil rouge a sonné. Alors je me rase les moustaches, j’enfile mon manteau et je sors dans la nuit et le froid pour aller au bureau.
Comme Kafka.

*
Elle est confortable et chaude la célèbre pelisse, mais je me retrouve boudiné comme l’Elvis Presley terminal dans l’habit de ses débuts.
Trop petit pour moi, le manteau de Proust ! ?
Et que je te saute, et que je te danse, et que je te pousse des cris rock’n roll dans le matin…

143

*
Egrenés de proche en proche le long de mon parcours vélocipédique sur cette départementale bordée de platanes multirécidivistes, les figurines noires de la Direction Départementale de l’Equipement ont, en ce dimanche des morts, fait l’objet de l’offrande exorciste d’autant de pots de chrysanthèmes aux couleurs vives.
Classée « rouge » (la lutte continuant ainsi par d’autres moyens suite à la fin de la grève de Météo France) comme l’éclair qui zèbre le cœur ébène des mannequins, la journée du lendemain a, par ses tornades et déluges locaux, dépoté (« plop », « plop », « plop ») puis abasourdi de gouttes grosses les hommages fleuris aux sacrifiés de la route. Et il a fallu toute mon attention d’écrivant cycliste pour, à partir de tiges et pétales épars dans les fossés et des quelques poteries épargnées par la rapine, reconstituer l’épisode et en éditer ici même le seul témoignage connu.

*
Elle raccroche au moment où j’appelle
Je sens que je suis moche et elle sait qu’elle est belle.

142

*
Seuls dans l’ascenseur. Elle me regarde, elle m’a regardé. Très peu de temps. Coïncidence on montait tous les deux au neuvième, on découvre qu’on a rendez-vous dans le même bureau je crois qu’elle s’en doutait un peu. Plus tard elle m’écrit que mon profil n’est pas en cause.

*
Mon caractère un peu gauche
A dissuadé l’embauche

141

*
La dernière rose avant l’hiver est rouge cerise.
Dans le verger on a volé des pommes.
Au pied des deux platanes gigantesques et du saule
Huit gros packs de seize bières Heineken
A peine entamés
Entreposées pour l’hiver.
Un geai les a prévenu
Les animaux viennent lentement à nous
Le cheval, le bouc, la chèvre, chacun à sa façon.
Puis le lourd équidé trotte devant le mûrier qui explose dans l’automne.
Tout à l’heure on a croisé un limier très actif de la queue à la truffe.
Le passage des barbelés me met en posture délicate devant l'ongulé.
On ira chercher une tortue au plan d’eau, il parait qu’il y en a.
Elles sont vivantes, préhistoriques et obstinées
Pas du tout découpées en rondelles
Par la tondeuse autoportée.

*
Sa main
Quand elle me la donne
Un oiseau me donne la main
Quand elle me la donne

140

*
Scotchés au bout de la nuit dans des draps peau chauds et inamovibles. Au-delà l’aube froide, clinique, impossible, où il faudra bouger. Lutte terrible, quotidienne, célèbre, lorsque sonne le réveil entre ce nous lové et cet autre inatteignable. Lutte perdue d’avance, et pourtant si souvent gagnée. Car finalement en une seconde la mue impossible s’est faite, on a rejeté les draps qui ne sont déjà plus rien, on est assis sur le sommier et déjà debout, déjà prêt, déjà d’attaque pour une vaillante journée déjà gagnée.
Il faudrait Proust pour décrire cette seconde là, cette mue. Ca serait long. Personne ne lirait. Cette seconde de trente pages (plus d’innombrables échos partout ailleurs dans l’Oeuvre) serait perdue dans le temps perdu. D’ailleurs, elle l’est. Car elle y est. Personne ne l’a vue ou ne s’en souvient, mais elle y est. Et c’est finalement en ces quelques lignes qu’elle renaît, certes à peine ébauchée, mais tellement réelle qu’on se demanderait à bon droit si l’écart est si grand entre Proust et moi.

*
Brusquement, je me suis levé Proust.

139

*
Chaque jour
Chaque calamité
Fait mieux.
La terre devient trop lente pour le progrès.
Plus de deux millions de personnes
Sont descendues
Dans la rue
Pour accueillir le pape
Dans la plus stricte intimité.
Pour vérifier la solidité des voitures
On les envoie dans le mur.
24 heures pour un jour, c’est devenu bien long.

*
Le problème quand on oublie sa montre, c’est qu’on ne sait jamais quand ça prend fin.

138

*
J’ai marché longtemps, bien plus longtemps que la période d’une marée. On ne distinguait déjà plus la terre et j’avançais toujours, l’océan au lieu de revenir s’éloignait encore plus. Etrange… Mais je n’étais pas inquiet. J’avais au début ramassé quelques coques puis, sur des sables jamais découverts jusqu’alors, des bivalves bizarres. Je les avais mis dans mon seau. Une lutte raciale réflexe s’y était installée, muette et féroce. Je me suis arrêté pour observer, me demandant si je devais ou non intervenir. Quand finalement j’ai entendu l’immense rumeur de l’eau silencieuse il était trop tard, l’océan était là, partout autour de moi, avançant vers moi, comme si le point précis où s’était figée ma marche était ce qu’il désirait engloutir le plus au monde, mais aussi en dernier.

*
L’essentiel est partout.

137

*
« Elle voulait partir ‘comme une fusée’, aspirée vers Dieu. La religieuse la plus populaire de France est morte dans son sommeil. »

*
On voit la paille dans la bouche de Dieu qui aspire, et
Pfuuiiiit !
Plus rien à l’autre bout.

136

*
Je ne peux pas me permettre d’être paranoïaque : mes adversaires en profiteraient pour me dénigrer.

*
Et je devrais publier un démenti sur ce blog.

135

*
Il advint qu’une patate qu’ils avaient cuisinée
En prêtant à des pauvres qui ne pouvaient rembourser
Brûla les mains de nos grands argentiers.
Refilons là à d’autres, dit l’un d’eux. Il me vient une idée :
Cessons de prêter. L’argent manquera,
Pour débloquer l’système l’Etat nous en donnera,
Et il prendra en gage nos créances vérolées !
 

Derechef on approuva l’idée. On stoppa le crédit.
En peu de temps l’oseille vint à manquer
Mettant à mal la bourse, et tout ce qui s’en suit.
Les banquiers attendaient en écoutant leur chef :
L’Etat c’est les gens, et les gens sont des poires
Faut que ça dure, le manque de trèfle
Ils en donneront pour en ravoir !

Et en effet il suffisait d’attendre
Sarkoléon finalement dut se rendre :
Il réclama la dame noire
Que lui tendait le scolopendre…

*
Au bon roi qu’ils ont choisi
Les bons cons peuvent dire merci
Ils ont en main le mistigri

134

*
Parfois, je prends ma vieille montre arrêtée, je vais à Epidaure, et je remonte le temps. Je vous laisse imaginer ce qui se passe alors. Ensuite (dès que je suis reparti) tout redevient comme avant.

*
Longtemps, je me suis souillé de bonheur

133

*
- Je sens un bouton, là. Il se voit ? demande-t-elle, désignant à son miroir la commissure de ses lèvres.
- Moi oui, toi non, renvoie-t-il. Mais je n’ai pas de soucis à me faire : moi, on me regarde.
(Sur ce, elle le brise)

*
Il avait obtenu
Son parachute doré
Il n’a pas su
En trouver la poignée

132

*
On est entrés dans cette quinzaine magique où tout le monde voit les arbres

*
L’oiseau loin traverse le ciel
C’est essentiel

131

*
En temps de crise les gens deviennent plus attentifs aux autres, la hiérarchie des valeurs est réévaluée, et fleurissent ainsi aux bords de mon parcours cycliste d’innombrables panonceaux « A louer » qui montrent que l’effort que je fournis, longtemps perçu comme gratuit et sans objet, est depuis peu reconnu comme ayant une certaine portée.

*
Quant à ceux qui panneautent « Vendu » mon passage devant leurs biens, ils se trompent : c’est à titre gracieux que je porte sur mon maillot bigarré les publicités bariolées de l’EURL CARAZ Michel, de la Boucherie « Champ de mars », de la Serrurerie François Fernandez, de Rosti, de Opticien Krys, et surtout de ROUX Jacky électricité.

130

*
« J’ai un groupe de hip hop au pays, mais rien ne m’inspire autant que la probité de mon père »
(Seun Kuti)

*
Hier, j’ai fait la sieste dans le pré
Je dormais à moitié
Le ciel était blanc
Je le sentais proche comme une toile de tente
Où par instant la pluie tombe en poignées
C’étaient les arbres, en hauteur
Qui bruissaient.

129

*
Cette fois ci on est dedans. Les tours s’effondrent lentement sur elles mêmes et on est dedans. C’est l’écroulement de la baliverne et on est dedans. Il y a sept ans on n’était pas dedans mais on se sentait avec eux, on était tous américains et on l’est resté quelques jours énormes et hyper violents. Maintenant les tours s’effondrent avec tendresse et on est dedans, on est dedans sans sentir la violence, dedans avec contentement, on est dedans avec assentiment. Et ça nous fait comme une caresse de maman.

*
C’est l’écroulement de la baliverne.

128

*
- Mais que faites vous à toujours scribouiller sur la nappe ? Vous vous croyez malin ?
- Je compose. Oui, je compose…
-De… de la musique ?
- Oui. De la musique
- Ah ! Et… Quel genre de musique ?
-Du Mozart. Vous aimez Mozart ? Tout le Mozart publié ces dernières années, c’est moi !

*
Pour éviter cette scène déroutante, la jeune personne souvent assise à la table d’à côté se garde bien de lui adresser la parole, et Beethoven compose inlassablement pour elle tout le Mozart de ces dernières années.

127

*
Je suis resté à la maison ce matin, pour pleinement profiter de cet excellent roman que ma fatigue du soir m’empêchait de vraiment apprécier. J’ai téléphoné à l’usine.
- Quel livre ?
Je leur ai donné le titre du livre. Ils m’ont dit de continuer tranquille, qu’ils allaient s’arranger jusqu’à ce que je sois à nouveau disponible.

*
Crise financière, économique, sociale, politique, morale, environnementale, alimentaire. Si la scène du livre avait pu avoir lieu, vivrait-on aujourd’hui la crise du tout ?

126

*
Chaque fois que je remarque une femme je me dis
- Comment était-elle, à l’école primaire ?
Et je me garde bien de répondre.
Comment était elle au CP ?
Etait-elle déjà là ?
Et moi ?
Non
On
L


*
Savoir ce qu’elles nous trouvent…
Encore faudrait-il qu’elles nous trouvent !

125

*
L’univers où Dabek s’active avec d’autres hamsters est à part les cages totalement fait d’angles. Lui qui rêve de s’arrondir autour d’un poêle n’arrive pas en ce lieu aigu à trouver une place imaginaire où installer le Godin. Mais cela n’a rien d’essentiel : il s’active, il sue, et il a chaud, et c’est ainsi que la roue tourne.

*
Cette usine actionnée par les roues des hamsters ne fabrique rien d’autre au fond que ces même hamsters qui actionnent les roues, et le mystère est que ce rendement net nul est celui d’un système consommant énormément d’énergie avec une efficacité prodigieuse.

124

*
Les gens autour de moi
Bien disposés dans le temps présent
Me regardent bizarrement.
Ce qu’ils regardent n’est pas là
C’est une forme qui n’habite nulle part
Un ailleurs, une fort d’art
Une échappée de la maison du moi
Qui rebondit et qui titube
Qui se balade puis s’évapore

*
Une fois chassés les morts manquent encore

123

*
Me revoilà scotché au restaurant le Thabor, je pense au mont éponyme du même nom ou je connus ma dernière expérience en refuge : après avoir médité Gandhi toute la nuit, pour avoir droit à un peu d’air je dus boxer un sexagénaire au nez spongieux.

*
Puisqu’il existe en Mont et en Restaurant je propose, je stipule aussi le Nez, et l’on saura désormais du Nez Thabor qu’il est mou et depuis quelques temps épaté.

122

*
Sauf s’ils ont oublié de prévenir l’auteur, mon manuscrit n’a pas été lauréat du Prix Jean Follain 2008. S’il l’avait été, j’aurais été sincèrement déçu pour les huit autres auteurs de la sélection finale.
Et là je ne le suis pas pour les sept.
*
Avais-je au moins laissé mon adresse ? Un téléphone ? Un portable ? Un mèl ? Mes coordonnées GPS ? Le code d’accès à mon agenda partagé Outlook ? Un mégaphone à portée interdépartementale ? Est-il possible que mon talent soit une nouvelle fois victime de mon inconséquence ?
Et,
l’organisateur ? A-t-il vraiment fait tout ce qu’il fallait pour tenter de me joindre, avant de se résigner à passer au second ? Est-ce là un comportement digne de la vie et l’œuvre de Jean Follain, poète majeur de la Manche ?
Et,
pourrait-on écrire un roman uniquement constitué de questions ?
Perec ne l’a-t-il pas fait ?

121

*
Parfois devant parfois dans l’orage parfois le suivant, il parcourt jusqu’à 1200 km en une journée pour prendre finalement une photo, une seule, à l’instant exact où le ciel se déchire mais ne saigne pas ce blanc fulgurant de l’éclair, à l’instant magique où au tirage on ne verra rien que du gris, du gris et la magie de ce moment là que l’homme épuisé est allé cherché si loin en le monde et si loin en lui même.

*
Mais…Un bon tailleur choisit le poids du tissu selon celui de la fesse !
explique trop tardivement Dabek à sa cliente courroucée.

120

*
Sous le titre « un homme dans le match – Matuidi a dompté son maître », on trouve de la plume d’un certain F.S. un « Son bagage technique et sa gestion fine de ses déplacements coulaient comme du miel entre ses doigts » qui nous semble infiniment supérieur au « On était bien loin du jeu léché d’antan dans les rangs asémistes » ou même au prodigieux « Dans une deuxième mi temps toujours aussi décousue, mais à sens unique, » de son collègue de page Jean-Michel Benedetti.
*
Et l’on découvre ainsi que, depuis des années, oublieux des pages Sports du Dauphiné Libéré, on passait à côté des successeurs de Glen Baxter (« Helmut se réveilla toutes les douze minutes pour vérifier la taille du rocher ») et de Max-André Rayjean (« Il passa sa main dans ses cheveux légèrement argentés, du moins lorsqu’il n’était pas surpris en plein sommeil ») que l’on cherchait vainement dans les opuscules étiques des poètes de la modernité confidentielle.

119

*
La lutte est perdue d’avance je le sais, mais du fait de l’alternance de conducteur la bataille fait rage dans la voiture qui nous ramène à nos pénates, bataille entre d’une part France Culture (désormais officiellement téléramisée) où coule en jours pairs le sperme tiède de la branlette intellectuelle (« le collège, un laboratoire d’analphabétisme ? »), et d’autre part la cyprine visqueuse du Moscato show de RMC (« Avant de débattre avec Vincent Moscato au 32-16, affutés vos arguments sur son blog »).

*
Et , par suite des renoncements successifs de France Culture à toute exigence envers son auditoire, c’est cet « affutés » (copié-collé depuis le fameux blog) que gomme la radio mais qu’on entend pourtant à chaque mot qui, déjà et finalement, aura le dessus.

118

*
Voilà que je commence à avoir l’œil attiré par les blondes. Il faudra que je consulte.

*
Rien à voir avec la presbytie, me dit mon occultiste. Mais c’est quand même la cinquantaine qui approche. Et c’est 35 euros.

117

*
Jacques Réda est vivant. Cette découverte fut pour moi merveilleuse, tant est libre de toute entrave l’écriture de ce vieux type et les poètes en Jacques aujourd’hui massivement décédés.

*
Quand j’ai vu de mes yeux vu Jacques Prévert danser le madison je me suis dit qu’il fallait rentrer, qu’il fallait que quelqu’un me ramène, et ce matin tard au réveil j’avais vomi au pied de mon lit j’ai su que ce n’était sans doute pas Jacques Prévert parce qu’hier il ne fumait pas et aussi parce qu’il est mort, et j’ai beaucoup regretté cette mort parce qu’il dansait merveilleusement le madison exactement comme Jacques Prévert l’aurait dansé.

116

*
Dans « American Beauty », le type (vous et moi) croit qu’il est vivant alors qu’il est mort, et découvre ce que c’est qu’être vivant au moment de mourir ; le tout dure 122 minutes.

*
Il faut bien se simplifier la cinéphilie, Dabek ne va jamais voir les films au titre non traduit, sauf « Stranger than paradise » qu’il a déjà vu 9 fois – j’avais tapé 9 mois – se demandant (j’avais tapé debandant) toujours comment une valise peut mettre en branle un avion ; la suite dure 86 minutes.

115

*
Peur de Bambi

*
A cette vitesse le vélo ne fait aucun bruit, à ces hauteurs le Vercors est totalement désert d’homme, je pense aux secours qui ne viendront pas, au portable laissé au bureau, à un vélo écartelé couché sur la chaussée. Je pense au crépuscule où les bêtes sortent, je pense à Bambi qui aura traversé sous mes roues la route déserte au crépuscule, et mes trajectoires se crispent. A ce moment je le vois, il tord le cou vers moi devant son arrière-train comme un faon qui vient de traverser la route, il a ces grands yeux là curieux et apeurés, puis Bambi très vite et sans un bruit d'arbalète s’enfonce dans la futaie. Je suis déja au virage d'après je ne pense plus aux sangliers ni aux cerfs, plus aux lapins ni renards traversiers, je ne pense pas que d’autres biches peuvent surgir au crépuscule, mes trajectoires se dénouent, je descend comme un skieur oublieux de ses skis, oublieux de la neige, amoureux de sa vitesse, et je sais grâce à Bambi que rien ne peut plus m’arriver.

114

*
« Le peintre iranien Iman Maleki, génie du réalisme, a gagné le prix William Bouguereau et le 'Chairman´s Choice lors du IIème Concours International du Art Renewal Center. Il est considéré comme le meilleur peintre d’art réaliste au Monde. Ses peintures sont aussi précises qu’un appareil photode 10 méga pixels, affirment les spécialistes ! »
(Texte accompagnant un diaporama diffusé sur le web, montrant quelques photos imitant des peintures)

*
La miniature qui précède a été peinte à la main sur votre écran

113

*
Rimes regrettables :
Pour mieux penser à elle il programme son réveil
Et pour l’oublier lui elle s’endort au whisky

*
J’ai fait un nœud à mon mouchoir
J’ai passé le nœud à mon cou
J’ai repoussé le tabouret
Ce que j’avais peur d’oublier
C’est qu’il était en papier

112

*
Dans un vrai livre, toute la générosité de l’arbre

*
Si Dabek n’arrive pas à se projeter dans l’avenir, c’est qu’il a sans cesse l’impression de n’en avoir pas tout à fait fini avec le présent.

111

*
La médecine classique l’a sauvé de deux cancers de façon assez froide et désagréable, pour son troisième il s’adresse à moi.
« La scribouillothérapie ne peut rien pour vous »
lui dis-je dans un accès de sincérité lié à la publication prochaine dans un catalogue mahotais d’une photographie où apparaît un livre mentionné dans un de mes écrits.
« C’est exactement ce que je recherche », me répond-il.

*
A force de regarder travailler un énorme sablier, on meurt.

110

*
Les véritables héros d’une catastrophe restent ignorés des médias. On parle beaucoup, depuis vendredi dernier, de Saint Donat sinistrée par l’Herbasse et les boues sablonneuses, et bien peu de moi. Pourtant j’étais tout proche, roulant courageusement sous les trombes sur la route de Chateauneuf de Galaure. Voyant venir à moi avec un bruit de limace le tsunami de boue charriant à hauteur d’arbre remorques, voitures et tracteurs, j’ai simplement mis le petit braquet et adopté ce pédalage aérien qui me caractérise en ces occasions là. Puis, ayant atteint le faîte du flux, me servant de mes roues carbone comme de quille et gouvernail, j’ai calmement rejoint la nationale dont s’est lentement repait l’oued, et le havre d’un café déserté où le repos m’attendait.

*
La postière est enceinte de deux mois
Et ce n’est pas de moi

(ces rimes regrettables sont inspirées par Jean-marc La frenière)

109

*
Tout à la fin de sa vie on retrouve le peintre, pinceau à la main, devant sa toile enfin vierge

*
- Docteur, j’ai tellement souffert, vous ne pensez pas que j’ai le droit de changer ?
(Je ne suis pas seulement docteur, pensa-t-il. Egalement psychanalyste mémorialiste à l’APF. Mais il se contenta d’un « Hum… ? Continuez » qui lui permettrait de faire le joint avec la séance suivante.)

108

*
Dabek est parti sans arroser ses soucis ? Qu’importe, se dit-il.
L’orage y pourvoira.

*
A l’occasion de leurs vingt ans de mariage, ils projettent de remplacer le lit conjugal en 140 par du 160.

107

*
Rimes regrettables :
L’un des deux est fourbu
L’autre n’en peut plus
Il y a bien longtemps
Ils étaient mes parents

*
Une seule goutte est tombée, tout mon être est mouillé

106

*
Est-ce qu’on est un oiseau, ou est-ce qu’on est un homme ?

*
Je ne suis pas un oiseau

105

*
Un carré à trois côtés est un triangle équilatéral

*
Quand le chat rend son
Le sourd, y danse

104

*
Elle :
Doc ! Eh Doc, dis donc ! Tu te rends compte qui t’encules là ? Christine Angot ! T’es en train d’enculer Christine Angot, tu te rends compte ?
Lui :
Cool !
Elle (in petto) :
Dis donc, Christine, tu te rends compte qui t’encule, là ? Doc Gyneco ! Himself. Je suis en train de me faire enculer par Doc Gyneco en chair et en os !
Lui (de même) :
Après ça, j’irai cracher sur Nothomb.

*
Ce qui précède est la forme ultime (pour l’instant) de l’autofiction

103

*
Cette fin d’août étrange a des airs de septembre
Rentrée, cohue, retours sur la machine
Mon érable s’inquiète, il a les feuilles qui tremblent
Et mon hamac, le soir, a le giron humide.
On se levait au jour et on se lève à l’aube
L’horizon est blafard et le soleil livide
Les tournesols fatiguent et regardent le sol
On s’observe à l’âme et on voit qu’il fait noir
C’est août et donc septembre, il faudra qu’on s’échine
Consommer, s’acquitter, exercer, faire le job
Se rendre compte soudain de tout ce qui nous manque
De la famine de l’être et de nos comptes en banque

*
Cette faim, doute étrange, a des airs de septembre

102

*
N’occuper nulle place
Voilà ce qui menace

*
J’ai perdu mon portable
C’est vraiment formidable

101

*
Une miniature idéale prendrait plus de temps à lire qu’à écrire. On y travaille.

*
La pensée qui précède est inspirée par Robert Walser. Lui alors n’avait aucun problème pour produire de telles choses. Il a même, avec ses quelques romans, réalisé les miniatures les plus considérables – et fractales - qui soient (plusieurs centaines de pages). Ecrits en quelques semaines, ils peuvent être dégustés pendant des siècles, tout comme chacun des fragments qui les constituent. « Le brigand », par exemple, commence comme ceci : « Edith l’aime. Nous y reviendrons ».

100 !

*
Certaines personnes comprennent au bout d’un certain temps que mon humour est drôle, et rient alors instantanément.

*
D’autres, ben, non.

99

*
Où va-t-on, si la guerre se remet à faire des victimes dans les rangs militaires, si La Poste se met au Marketing, si André Glucksmann persiste en ses liftings ? Ne pourrait-on pas enseigner la guerre moderne à tous ces afghans ? Où va-t-on ? Mais Où va-t-on ?

*
De l’autre côté du mur, il y a le même mur.

98

*
Et les Jeux, dans tout ça ? Ah oui ! Les Jeux…
Non, je ne boycotte pas. Simplement, les rouleaux des Landes ont fait fondre mes muscles de cycliste, et quant au ping-pong il y avait bien une table au camping mais pas un seul chinois. Or, comment prétendre à une médaille en ping-pong si l’on ne bat pas au moins un chinois ?

*
Il y a une autre raison, c’est Patrice Montel, champion de l’ineptathlon, sommet cauchemalayesque du chauvinisme merdouillard. Cet étron, il faut absolument que Christine Aron et Muriel Hurtis l’entraînent dans les replis du studio et lui fassent le javelot bulgare, le Fosbury auvergnat, le double flip tchetchène, l'uppercut et Russe, la goulue moluque, etc et bref, mais qu’il n’en réchappe pas !
(Ce qui précède n’est pas de la violence contre journaliste, c’est de la prophylaxie mentale. On en viendrait presque à regretter la récente disparition de Thierry Gilardi, si l’on songe que la camarde eut pu au lieu de lui choisir l’étron total…)

97

*
Plage :
Tout ce sable brûlant de l’été
Ne suffit pas à oublier
Ce minuscule sablier
Où passe et passeront tous les âges
Où sont passées plein tant d’années

*
Pour soulager cette femme aux jolis traits (elle avait oublié de composter), je suis allé quérir le contrôleur zélé. J’oubliais moi-même avoir omis de prendre un billet.
L’amende fut considérable, et cela fait des rimes regrettables.

96

Il restera le drapeau rouge
Dans le miroir voilé par d’eau
Tout à l’heure l’écume viendra l’effacer toute blanche
Se lit sur le sable de bas en haut
Ce poème de plage au drapeau rouge

*
Camping
Pluie
Froid
Au bout du troisième jour, une délégation conduite par toute ma famille est venue me prier de lever le camp.
Je ne savais pas qu’ils pouvaient être si nombreux.
En otage ils avaient le bouchon de mon matelas.
"Nous rentrons", ais-je dit. "Gardez le !"
Quelques "Hourra" s'en suivirent.

95

*
Elle
Seule
Belle
S’ennuie
S’ennuie au point qu’elle me sourit
Et moi maintenant
Seul
Belle
Si seul
Seul comme quand elle
(c’était une autre)
Voulait me toucher le visage de ses mains
Et y renonçait.

*
Camping :
Sous le grand chêne séculaire
La pluie à force tombe tout pareil
Et on se retrouve comme des glands

94

*
Plage :
L’oreille collée au sable
J’entends des pas qui approchent
C’était le temps qui passe
Et va s’asseoir plus loin

*
Camping :
Entre nos deux matelas gonflés,
La ruelle.
Au matin mon épaule
A pris l’empreinte des pavés.

93

*
Dans les trains de nuit, seules les extrémités des wagons sont allumées.

*
La nuit
(« Tu crois qu’on y entre facilement, papa ? »)
Je voyage de l’autre côté du monde
Au moins il y fait jour
Ou bien je reste ici si c’est la pleine lune
Et je roule
Dans la nuit blanche
(Oui, cette blancheur là)

92

*
J’ai rencontré une femme très belle qui parvient à faire autre chose qu’être belle. Ce qu’elle fait est plus banal qu’être belle, plus juste, mieux articulé, peut-être même est-ce plus utile. Cette femme décidément est très belle.

*
« Ce dont on a besoin, on le trouve partout », remarquait Robert Walser

91

*
Rimes regrettables :
Fais de ta vie un rêve !
M’avait-on dit
J’ai essayé et je me suis cogné
Aux murs rudes de la réalité
Ecarte donc les murs !
M’a-t-on encore dit
J’ai essayé et je suis tombé
J’avais ce peu de foi dont à coup sûr on crève
Au fond du trou j’ai retrouvé les murs

*
N’évoquons même pas le mot « bouleversés » : ils n’acceptent même pas d’être dérangés !

90

*
- Qui c’était, déjà, cette actrice dans « 37°2 le matin » ?
- J’sais pas. « 37°2 C le matin » ? Connais pas.
- Eh bien… Vous lui ressemblez énormément !
- Fanny Ardant ? Emmanuelle Béart ? Mathilde Seigner ? Anna Mouglalis ? Faye Dunaway ?
- Non, non… Beaucoup mieux que ça ! Au fait, vous connaissez l’histoire de la grenouille avec la grande bouche ?
- Lina Lollobrigida ? Brigitte Lahaie ? Tracy Lords ?


*
Il faut battre l’éphèbe tant qu’il lèche O.

89

*
Si j’en crois les morceaux d’ongle, de cartilages, d’allumettes, les cendres de cigarettes et la trace des impacts de gouttes d’eau que je découvre à chaque fois dans ma purée de légumes, mon chinois est fourbe et cruel.

*
Maintenant le vrai tour commence, maintenant il a commencé. J’en suis à la fois le peloton et l’échappé, le porteur d’eau et le leader, le niais et le dopé, le reporter et l’organisateur. Ils ont arrêté, et je pédale toujours. Avec cette chaleur succédant aux grosses pluies les spectateurs massés au bord de la route, essentiellement végétaux, sont chaque jour plus nombreux. Ils ne me regardent pas vraiment, ne vocifèrent pas mon paroxysme mais respectent mon sacerdoce, écartant sans avoir l’air d’y toucher leurs racines, libérant pour mes roues un espace où le bitume surchauffé vient me tracer la voie. Seuls les tournesols (sauf quelques rarissimes, merci Darwin) me tournent le dos, ou pire regardent plus loin et plus haut quand ils s’orientent vers moi : ceux là seront brûlés.
Ils ont arrêté, et je pédale toujours.

88

*
Rimes regrettables :
Ainsi, il a broui ses églogues
Le burgonde qui inspira ce blog
Je regrette, je comprends, compatis,
Et je rigole un peu, aussi
Car enfin brûler ses textes n’a plus rien d’admirable,
C’est même devenu écolo-condamnable :
Les écrire déjà est un peu abusif
Les cramer carrément excessif :
Quel cas faites vous de l’effet de serre ?
Pourquoi faire fi du container
Où vos vers eussent été recyclables ?

*
Etre, c’est continuer à être, penserait-on parfois à regarder la joggeuse dont les pieds caoutchoutés s’éloignent pour rien

87

*
Cette fin de tour était interminable
Je me rêvais lové dans mon hamac
Je l’aurais suspendu en plein cœur du peloton
Derrière un tube de selle et devant un guidon
Et me serais allongé au profond du giron
Ecoutant sous mes fesses défiler le tarmac.

*
Pour pouvoir pédaler jusqu’aux Champs-Élysées
En oubliant assez mes douleurs aux mollets
Il m’a fallu longtemps m’accrocher à cette fable
Dont les rimes pour une fois n’étaient pas regrettables.

86

*
Lac gelé qu’aucune carte ne mentionne. Très Haute Altitude. La neige a été soufflée, la glace est d’une transparence incroyable et bleutée. L’himalayiste se penche et voit, un mètre sous la surface, son propre visage congelé, son propre visage qui le regarde, son propre visage épouvanté aux yeux écarquillés.
« Ce ne peut-être qu’un mauvais rêve », se dit Dabek. Et du bout des gants il referme ses yeux.


*
A propos du n° 43 : le tour, hier, est repassé au même endroit 13 ans après. Le même auteur (c'est sans doute le même auteur !) avait cette fois tracé « JAJA » suivi du dessin d’un cœur. A quoi ressemblerait « Guerre et paix » ainsi reformaté après toutes ces années ?

85

*
"Pour passer inaperçu, soyez toujours dans la foule", me disait mon instructeur de la DST. Je m’y suis mis. Il m’y a oublié.

*
A propos du numéro 79 : ça y est, l’accident a eu lieu, l’autoroute hier était bloquée à hauteur du km 54, et mon barbu avait disparu.

84

*
Les CSC attaquaient Evans et moi j’étais là, bien calé dans les bonnes roues. A un moment je me suis dressé sur les pédales, j’ai giclé, Menchov a voulu suivre et il est tombé, j’en ai remis une couche et la bande magnétique a cassé. Je n’en ai donc rien vu mais plus tard forcément j’aurais gagné.

*
Aucune mention de ce qui précède dans les résumés officiels, ma victoire finale gommée, effacée, où va-t-on si même la réalité sportive est ainsi maquillée ?

83

*
Contrepets mouillés :
Les bains assoient,
L’abeille coule

*
L’autre jeudi je marchais dans une rue peu fréquentée. J’ai vu tomber le jour, j'avoue que j’ai continué comme si de rien n’était.

82

*
"Après ce saucisson à l’ail, je ne parle plus à personne"
Dit la carpe prise au piège de l’hameçon où gigotait un lombric accommodé à ma façon

*
Par lettre recommandée le restaurant Le Thabor, où s’écrivent quelques unes de ces miniatures, décline toute responsabilité sur ce qui précède et ce qui suit et, sans changer le prix, vient de substituer un « ou » au « et » entre fromage et dessert sur le menu qui m’est spécialement destiné et que l’on me tend désormais sans même m’accorder un regard.

81

*
L’été
L’arbre
Loin au dessus
L’hirondelle d’acier bleui
sabre le ciel

*
14 juillet.
Jour des français.
Jour où ils doivent briller.
Ca commence comme des rimes regrettables,
Et le reste est à l’avenant.
Car dès l’entame c’est Nico l’attaquant,

Bouygues-Bolloré-Lagardère-Dassault
C’est pas écrit sur son maillot
Mais ça lui donne envie d’foncer
Il creuse très vite un écart respectable.
Nous même on se prend à rêver
A l’union méditerranéenne
Et ses contrats en guise d’étrennes

Mais non. C’était trop beau
Le peloton est loin derrière
Mais il revient comme un scooter
Il est d’ogives en rang d’oignons
De chars Leclerc et de troufions
Et le nabot ne peut rien faire
Il se fait prendre comme un minot

La morale de cette histoire
C’est que bien sûr il n’y en a pas
Le grand vainqueur c’est Bachar
Et c’est la faute à Nicolas.

80

*
Le pro, le pro, le professeur, le propro, le professeur bè, le professeur belge est bè, le professeur belge est belge.
(Et moi je suis bègue).

*
Le célibataire ronflant
Se siffle en dormant

79

*
Il lui a bien fallu naître et ça n’a pas été si facile, pour sa mère non plus, son père la regrettait toujours d’avant cette naissance là. Et puis le temps a passé, le bac, à un moment il a fallu faire un choix et ce fut un non choix, laisser pousser la barbe ça voulait dire laisser aller, et maintenant tous les soirs entre 18 et 19 heures il est sur le pont qui traverse l’autoroute A7 à son kilomètre 58, au dessus de la voie de gauche regardant les voitures qui remontent du sud, je vois chaque fois sa barbe mal tenue devenue poivre et sel et toujours cette même posture, appuyé sur la rambarde et sur la jambe droite avec la gauche simplement posée derrière sur la pointe du pied, et tous les jours ce type est là qui regarde passer l’absurdité du monde dont je fais partie et lui aussi mais pas pareil.

*
L’air de rien ne faisant rien ce type change le monde, les véhicules évitent de passer sous lui on ne sait jamais, de fait sans qu’on le dise l’autoroute n’a plus que deux voies à cet endroit, ça perturbe le flux, un jour c’est statistique il y aura un accident et c’est peut-être ça qu’il regarde déjà.

78

*
- Je crois bien qu’il y a un secret, dans la famille…Des gens souffrent sans savoir pourquoi... Tu sais, on peut en parler.... Pendant la guerre, sans doute ? Tu veux en parler ?
- La guerre ? Quelle guerre ?

*
On ne m’a pas vu hier sur l’étape du tour. Merci de l’avoir remarqué. Le road-book n’annonçait absolument aucune côte mais pas fou, j’ai payé de ma souffrance pour savoir que s’aplatissent dans la Charente-maritime des cols bien plus redoutables que l’Izoard ou le Cormet de Roseland, et qu’ils se déploient comme par magie à peine entamés leurs premiers replats. Aussi ai-je prudemment fait demi-tour. De toute façon, le peloton a comme bien trop souvent escamoté ces obstacles comme s’ils n’existaient pas.

77

*
Mon imprimeur (Cottet, à Carpentras) déclare agir pour l’environnement. C’est pourquoi même à compte d’auteur (et sous réserve de réponses positives aux nombreuses tentatives que je fis et ferai auprès d’interlocuteurs de toutes sortes) j’envisage de renoncer à tout projet éditorial hors le web. La lutte pour une asphyxie plus lente passe par des sacrifices individuels et artistiques de cette sorte. C'est en changeant nous même que nous changerons le monde.

*
L’on me pardonne, paraît-il. Soit, mais qu’avais-je donc fait ?

76

*
Ces arrivées à 3 ou 4 sont décidément les plus belles. La maîtrise tactique de Samuel Dumoulin hier, et l’effort paroxystique fourni par les 4 protagonistes tout au long des deux kilomètres finaux, ont produit un véritable chef-d’œuvre. Je dis cela, ce n’est pas seulement parce que j’ai roulé l’an dernier avec Samuel Dumoulin. Ce jour là j’ai voulu rester dans sa roue mais il est minuscule, impossible de s’abriter, j’ai vite plié les gaules. Je veux juste affirmer que si alors j’avais pu le suivre je ne l’aurais pas quitté jusqu’à cent mètres de l’arrivée d’hier, à Nantes, et là j'aurais produit mon effort...

*
J’ai malheureusement manqué de jump pour le passer avant la ligne, je me suis même fait passer par le coureur américain… bv kjba:nkbjqxcbj !
Troisième d'une étape du tour de France, ce n’est pas si mal pour un coureur de quatrième catégorie FSGT. Mais bbbggjk :f SD§NJK ? ? , le champion qui sommeille en moi n'a pu s’empêcher, en franchissant virtuellement la ligne, de taper du poing sur le clavier comme s’il s’agissait d’un guidon. Quelle occasion manquée ! La victoire était si proche ! Un telle opportunité se représentera-t-elle un jour ? v cbb, bngxmh et bv n !

75

*
Une énorme vague vient s’abattre sur le rivage comme une plume. Une énorme vague vient se poser à mes pieds comme l’oiseau envolé. Elle n’a laissé qu’un peu d’humide qui grésille sur l’éponge du sable mouillé. C’est la plage. C’est l’été.

*
Aller vite, ça permet de se tromper plus tôt.

74

*
Des choses petites, humbles, humaines, nourrissantes, rapportant peu, respectueuses des liens sociaux : voilà, insoupçonnable, l’avenir du CAC 40, qui vient de « tomber sous la barre des 4400 points ».

*
Un oiseau passe, hésite à venir se poser sur mon épaule, va se poser sur un arbre plus loin.
Merci quand même, l’oiseau ! Et merci pour l’oiseau, l’arbre plus loin !

73

*
Conditionnel Perec l’a fait, mais écrire tout un livre, un grand petit livre, au plus-que-parfait ?

*
Le plus-que-parfait, chère madame, eût été votre parfait au miel. Uh ! uh !

72

*
Rimes regrettables :
A force de broyer du noir l’aube vint
Du monde il ne restait plus rien

*
Première luciole de l’été, impeccable dans son gilet fluo. Mais où diable a-t-elle fourré son triangle ?

71

*
- Ah ! Merci ! Si vous saviez comme c’était long !
- Excusez-moi, je me suis trompé d’allée
Répond le nécrophile en remettant la dalle en place

*
- Pourquoi n’ai-je pas d’amis ?
- L’ami, c’est le témoin.

70

*
La pierre c’est comme moi, il arrive qu’elle se fende la gueule, mais il faut vraiment qu’il fasse froid.

*
Regardant le monde :
- A quel moment ai-je fauté ?
- C’est de la mégalomanie !
- C’est ce que j’ai longtemps espéré. Mais non, hélas non. Alors, à quel moment ?

69

*
-Si j’avais une âme, je pense qu’elle serait immaculée de boue…
-Mais non voyons ! Ne crains rien !
a-t-on répondu à Dabek.
Dieu n’est au mieux qu’une hypothèse… Et puis, il n’a pas plu depuis si longtemps !
Et Dabek s’éloigne, acchabée de honte

*
-25 % !
Vive(nt) les Soldes !
La réduction s'applique sur TOUTES les miniatures contenant le mot « pastille ».
(Le texte affiché tient compt

68

*
A peine éclôt l’écrivain autoproclamé se met à l’écoute du monde et voici ce qu’il trouve : de l’Oiseau (il n’en connaît pas les noms), de l’Arbre (non plus). L’oiseau récite à l’infini ses gammes archiconnues, l’arbre rumine ses bruits bovins.
Eh ! La muse ! Grosse fainéasse ! T’as vraiment rien d’autre ?

*
Il parlait, il parlait, il parlait, et,
derrière lui, la lune a éclairé
Un petit bois de peupliers

67

*
Plus l’argent circule, puis il s’accumule dans certaines poches

*
Qu’est ce qu’un changement de paradigme ? Eh bien par exemple remplacer, dans le discours économique, le mot « croissance », par le mot « cancer ».

66

*
La fête de la musique a commencé dans mon hamac, sous l’érable. Ils m’ont laissé m’installer, puis les oiseaux cachés ont commencé à chanter. Je les ai écoutés. Je me suis réveillé le lendemain, cinq heures du matin, ils chantaient déjà ou toujours, j’avais froid, et ce froid me rendait plus heureux encore. Le hamac se balançait, les branches de l’arbre aussi, animés par le souffle de l’aube. Je me suis levé, je suis parti rouler à vélo dans l’aurore où je verrais des sangliers.

*
Quelle heure est-il ? Je ne sais pas.
Et moi, quelle heure suis-je donc ?
Il ne sait pas.

65

*
Rimes regrettables :
Il a fait faire
à sa roue un jour
les sept premiers tours
le hamster

*
- Les femmes, comment font-elles pour s’y habituer ?
- « Quand je ferme les yeux, vous êtes beau, Valmont », me répond Jeanne Moreau.
La garce.

64

*
« -Pourquoi me tuez vous ?
-Eh ; pourquoi ne demeurez-vous pas de l’autre côté de l’eau ? Mon ami, si vous demeuriez de ce côté, je serais un assassin et cela serait injuste de vous tuer de la sorte ; mais puisque vous demeurez de l’autre côté, je suis un brave, et cela est juste »
(Pascal, Pensées, 293)

*
Ah oui ! On vient d’apprendre le énième épisode du genre, 40 morts et 100 disparus début juin au large de la Lybie, leur barque pleine de candidats à l’immigration a coulé, heureusement c’était de l’autre côté. Ah oui encore, hier à Bruxelles les braves héros Pascaliens que nous sommes ont voté, à une large majorité et sans aucun amendement, la directive de la honte.

63

*
Tout au bout du monde
Il y a des enfants
Aux yeux géants

*
Comment ça va, les gens de la moyenne ?
Savez-vous que sans vous, on ne peut rien du tout ?
Interrogeait Colette Magny.
Ca va très mal, d’ailleurs on n’est plus là. Et le monde fonce toujours vers le pire semble-t-il, sans nous, même plus besoin de nous pour ça. Ca va très mal.

62

*
- Une pipe, un rôti… Si tu veux, je fais le rôti ?
- Non… Non merci, vraiment… Je…Je n’ai pas faim
Robert Walser est mort. Un grand nombre de ses « microgrammes », dont celui qui précède, ne seront jamais déchiffrés.
Sa tombe ne sera jamais retrouvée.
C’était la neige.

*
J’allais écrire quelque chose, ici, là, maintenant, rien de particulièrement choquant ni iconoclaste d’ailleurs, mais au moment même où je tapais « maintenant » une petite voix (intérieure certes, mais extérieure tout autant) m’a dit
« Ca, t’as intérêt à le penser tout bas »
Dont acte. (Après tout la solution proposée par Pascal à son propre pari reste valable).

61

*
« Je hais les imitateurs », vociférait Isidore Isou, sentant bien qu’il allait inventer quelque chose. Maintenant qu’Isou est mort, penser à signaler la chose au misanthrope burgonde, pour qu’il la mégaphone : « Je hais les imitateurs »

*
Dabek a expliqué qu’un panneau de basket l’avait tamponné par derrière, qu’il n’avait apparemment même pas freiné - aucune trace de gomme -, et qu’il restait planté là, panier cousu face à l’évidence.
- « Il a tous les torts », a reconnu son assureur.

60

*
Rimes regrettables : les barbares
Ont pris le pouvoir
Aux notables

*
Ca y est. Après avoir réclamé avec insistance sa fiche de paie, et sans même attendre la fin de sa période d’essai, Dabek fait fièrement imprimer ses nouvelles cartes de visite personnelles :
Dabek SARIELOUBAL
Travailleur Pauvre
(Suivent ses coordonnées)

59

*
La chose molle qui chaque soir même heure engluait les parois de notre aquarium est mise à la retraite d’office, remplacée comme nous tous par une sémillante sirène oxygénée. Mais à toute chose malheur est bon : après avoir publié plusieurs romans de haut vol, la victime va pouvoir se consacrer à plein temps à la littérature sénile, qui n’attendait plus que lui depuis la mort de Norman Mailer.

*
En parlant de morts justement, on a beau faire on meurt de plus en plus, et ça n’a pas l’air de s’arranger. Tenez : Isidore Isou, par exemple, eh bien il est mort. J’y reviendrai.

58

*
On le faisait avec nos gommes d’enfance.
Cette femme est arrivée en consultation divisée en deux
Côté rouge et côté bleu
J’ai essayé le rouge j’ai essayé le bleu
Ensuite, on se servait de la tranche de la main pour ôter les copeaux

*
A propos du n° 50 : ça continuait à me titiller, cette affaire. Tant qu’un texte n’est pas publié on n’en atteint pas le faîte, et en publier le titre dans un journal en ligne ne résout rien. J’ai ainsi, alors que tout semblait fini, encore franchi un cap décisif dans la nuit : « Une simple histoire au bord de l’eau » devient « Une simple histoire au bord de l’autre », et le roman tout entier s’éclaire d’une lumière nouvelle. Y a t il encore quelque chose à trouver derrière ces huit mots ?

57

*
"Si vous n’êtes pas content de l’accommodement de votre tournedos, adressez vous à l’auteur", rétorque à Beethoven le serveur pris à partie. « Mais », écrira plus tard Ludwig à Elise, « sachant qu’Albinoni n’est pas l’auteur de son adagio, n’aurais-je pas risqué de commettre un impair en me plaignant auprès de Rossini ? »

*
Le passé, comme disait Brodski, devient décidément de plus en plus imprévisible. Beaucoup d’admiration pour ces types qui ont quand même réussi à faire des choses assez valables alors que même après coup ça changeait tout le temps. Mais était-ce bien Elise ? Et que vise Dabek, à multiplier ainsi les noms célèbres dans ses miniatures ? Chercherait-il à gagner des places dans le GoogleRank ?

56

*
Six heures du matin, au plateau de Louze. Les saisonnières cueillent les fraises sans terre. Un lièvre heurté par une voiture vient mourir non loin, le moteur s’éloigne. Une femme à genoux s’extrait de la serre pour le ramener sous ses jupes, une fourgonnette s’arrête, le conducteur sort et soustrait la bête encore chaude au désir de la femme.

*
Non, Francis Magnenot, je ne connaissais pas le mot « plaisance »

55

*
« Rouge, quotidien le 13 mars », j’étais lycéen c’était l’automne, il faudrait d’innombrables réveils dans l’hiver chaud du bus pour traverser ce temps là, le slogan chaque jour s’effaçait lentement arriverais-je à temps ?

*
« C’est moins tonal que la pièce précédente », dit le violoniste exacerbé en nous servant sur un plateau, en copeaux innombrables, un plat norvégien dont chaque molécule nous met l'âme en feu.

54

*
Elle est partie il y a trois ans avec le maçon de leur maison. Ce soir on danse, ils sont là sans se regarder jamais. En grandes boucles il se rapproche, elles se resserrent, on attend qu’il la touche. Au cœur du bal finalement il l’a fait. Plus tard dans la soirée, une gifle que personne n’a vu. Etait-ce elle était-ce lui ? Je dis que c’était elle, ou peut-être c’était lui, lui qui s’en est allé, et elle est restée seule.
Plus tard, j’ai appris qu’ils vivent dans la même maison, de chaque côté de la frontière d’une cloison.
*
« Youkaïdi, youkaïda
Le progrès technique nous sauvera
Youkaïdi, youkaïda »
Corinne Lepage, le sous-marin vert, fait son coming out

53

*
Je reconnais que c’était un peu optimiste, cette déclaration de victoire de moi-même contre mon ego. Sur la terre battue des humiliations que je vis le bougre se défend vaillamment, et sur le match en cours je suis mené deux sets à rien.
A rien ? Et vous voudriez que je laisse passer une chose pareille ? Attendez vous à ce que les programmes de la soirée sur France 3 soient bouleversés : on n'a certes pas fini d'entendre parler de moi !

*
Quatre pierres et un peu d’humus
Couvrent les cendres d’Eugène Guillevic.
Autour, trois mégalithes où l’on s’assied à deux.

52

*
Pourquoi ai-je parlé de cheval ? [n°44]. « Le cheval est toujours dans la relation », dit ma psy comme si je n’avais pas de naseaux

*
Le don du sperme soit, mais est-ce cadeau de fête des mères ou de fête des pères ? Là est la question qui divise chaque année notre couple à cette époque, où je tiens par ailleurs à signaler que les pollens me harcèlent et me rendent tout particulièrement nerveux.

51

Cerises.
Le merle, moqueur
Attaque les meilleures

*


Bal tragique à Bougé Chamballud
Alexandra est là
Macarena je n’y vais pas
Laissez-moi danser se fait sans moi
Conemara je lui touche le bras
Sauf que je n’ose pas.

Ce geste qu’elle a, très beau
Pour ajuster son caraco
La bretelle du soutard
Disparaît aux regards
J’aurais aimé toucher sa peau.

Alexandrie Alexandra
Un jeune type est venu
Et l'a prise dans ses bras
Alexandra

Les sirènes du port d’Alexandrie
C’est toujours la même tragédie

Elle s’appelait Alexandra
Et je n’aime pas Claude François

50

*
« Une simple histoire au bord de l’eau »
Finalement, ce n’était que cela ?
Aujourd’hui j’ai trouvé le titre
Oui, ce n’était que cela
Mais j’ai maintenant envie d’avoir écrit ce livre.

*
« Aïe aïe aïe ! Aïe aïe aïe ! et si c’était ‘Une histoire simple au bord de l’eau’ ? »
Se demande Dabek, constatant avec une joie suspecte qu’il vient ainsi d’en reprendre pour deux ans.

49

« En renonçant au n°48, à cause de ce très inopportun ‘Complément au numéro 47’, ne privé-je pas des milliers d’êtres d’un chef-d’œuvre de concision littéraire ? »,
se demande Dabek, pleinement conscient que ce qui est perdu ici ne se retrouvera pas ailleurs, bien décidé cependant à maintenir la cohésion comptable de son travail… et pas peu fier de sa maîtrise de l’interronégation.

*
Ainsi, tout renoncement est également ouverture sur d’autres possibles.

Complément au numéro 47

*
Qu’est ce que la littérature et qu’est ce que Freud ? Eh bien, le soir même où j’avais écrit ce qui précède (n°47, §2), me voilà de manière tout à fait inhabituelle à fouiller dans le tiroir où j’accumule mes fragments littéraires pour, parmi des dizaines de phrases du même genre volées à quelque auteur ou inspirées par mes recherches, écrites à la volée sur des bouts de papier et dos d’enveloppes et totalement oubliées depuis, extraire justement celle-ci :
« Peu avant sa mort, elle a ôté le coussin qu’elle avait sous sa tête et l’a mis sous ses pieds »

47

*
« Il faut manger équilibré », expliquent à leur roi cannibale les nutritionnistes cherchant à sauver leur peau, « et il y trois sortes de gens : les protides, les glipides, et les lucides. Ces derniers sont bien plus difficiles à attraper ; ils se reproduisent peu et sont de constitution chétive. C’est pourquoi notre civilisation va à vau l’eau ».
L'argumentaire ainsi ficelé leur permettra-t-il d'éviter de passer eux mêmes à la casserole ? Ne font-ils pas montre, justement, de trop de lucidité ?
*
J’ai gardé de mon accident et de ses suites l’habitude de dormir avec un oreiller entre les genoux. Et, aussi, je suis capable de ne plus rire quand je pense à la question de Magdane : "Si nos genoux pliaient dans l'autre sens, quelle serait la forme des chaises ?"

46

*
« J’aimerais bien avoir plus de pouvoir d’achat, mais je ne sais vraiment pas si je peux me le permettre »
pense Dabek en contemplant les oreilles tissées sorties de son pantalon comme des presque noyés cherchant leur oxygène.

*
Quand je suis arrivé le train était à quai
C’est bien pour Valence ? Oui montez !
M’a dit de loin le contrôleur hélé
J’étais sans ticket et suis allé lui dire mais il manquait de monnaie
Il a du prendre mon autre, tout petit, billet
Tout ça pour dire l’Euro gagné sur ce trajet.

45

*
Ménalque sort de la marquise à cinq heures.
Il la referme, il s'aperçoit ensuite qu'il est en bonnet de nuit ; et venant à mieux s'examiner, il se trouve rasé à moitié, il voit que son épée est mise du côté droit, que ses bas sont rabattus sur ses talons, et que sa chemise est par-dessus ses chausses,
et constate que tout cela présente bien moins d’intérêt que ce qui a immédiatement précédé.

*
Dans « L’absolue perfection du crime », Tanguy Viel note avec justesse le tissu musclé de la veste des vigiles, et leur cou en forme de trapèze.

44

*
A Chateauneuf de Galaure, tout près du Palais Idéal, en troupeau fléché des lamas blatèrent autour de nombreux Cheval qui gisent dans la concession à Gaston.

*
« Ainsi, toute mort peut s’évaluer par un chiffre en haut d’une pile », se dit Dabek en contemplant froidement l’avenir de son propre blog. Le gaillard étant pétant de santé, c’est là accorder un bien fort crédit aux hébergeurs de son site. Est-il à ce point pérenne, le « business model » de Blogspot ?

43

*
« Vive Eros Jaja »
disait cette inscription faite en 1995 sur le bitume du Tour passant à Glay. L’inscription s’est effacée (elle renaît ici), et Jalabert (qui ne marchait pas qu’à la bibine), roule toujours, en plus maintenant il nage, il commente et il court.
« Vive Eros Jaja »

*
« Plus que leurs coquilles d’acier s’élargissent,
plus que l’esprit des automobilistes devient étroit »
Se dit l’insensé cycliste que vient de frôler un projectile de deux tonnes
« de telle sorte que
plus que je pédalais moins vite,
moins que j’ai de chances d’arriver vivant »
Se rajoute-t-il, le sourire aux dents.

42

*
1° S'emparer de (un être vivant).
2° Suivre une direction déterminée.
3° Se figer, épaissir.
4° Aller chercher.
5° S'emparer de quelque chose de force.
6° Se munir de, emporter avec soi.
7° Attraper, saisir. Prendre un bonbon.
8° Pousser des racines et continuer sa croissance après transplantation.
9° Réussir, donner le but recherché.
Cette définition du verbe prendre (http://www.la-conjugaison.fr) me donne envie de me lancer dans les jeux vidéos. La perspective du bonbon.

*
Mon grand fils me demande de lui apprendre à jouer aux échecs
Occasion unique d’une leçon de vie
« On ne prend jamais en b2, même quand c’est bon »
Avait compris (trop tard) Boris Spassky
C’est uniquement en cas d’ouverture espagnole, fiston !

41

*
Par son chant
Par les ailes
L’oiseau sculpte notre ciel
Couchant

*
Comme ces gens qui ont vraiment connu Claude François en direct (et playback) à la télé pendant des années, Dabek reste abonné à l’EDF

40

*
Le jeudi 27 mai 1968
A l’angle nord de la rue des Ecoles et de la rue de la Sorbonne
A 19 H 27
Quelqu’un a vu Ienisseï se perdre dans le sable
Sous les pavés

Ob et Ienisseï
Deux fleuves avec le monde autour
Qui a aujourd’hui disparu

Le jeudi 27 mai 1968
A l’angle nord de la rue de la Sorbonne et de la rue des Ecoles
A 19 H 27
Mai 68 s’est perdu dans les sables
Comme ces fleuves sans embouchure du Sahara
Comme Aa et comme Draa
Comme Ienisseï

Mai 68 n’était pas un fleuve
Mai 68 n’a jamais existé


*
« Menteurs, soyez précis », conseillait Alexandre Vialatte

39

*
Et sous la plage ?

*
« Pendant que tout s’accélère, se bouscule et se frotte, l’axe de la terre ne bouge pas, au fond tout en cette surface bouge dans le même sens, tous ces petits mouvements n’ont aucune importance »
tente de se rassurer Dabek,
hésitant à insérer la longue aiguille à tricoter au pôle du globe qu’il vient de dessiner sur un ballon de baudruche.

38

*
Chaque fois que mon manager me parle, j’ai l’impression qu’on me coupe un tendon

*
Soit par son geste, soit par son chant
L’oiseau
Sans cesse
Sculpte l’espace

37

*
Pourquoi si peu de candidats ?
Mais si il y en a plein !
Je les vois en bas de l’escalier
Ils passent la porte étroite en grouillant
Et se lancent à l’assaut des marches

Mais vite tout se délite
A peine trois marches et le grand nombre déjà épuisés s’assoient, et ne se relèveront plus
Ceux qui
parvenus deux degrés plus haut
Auront eu assez de lucidité pour décider de redescendre
Les pousseront tout à l’heure vers le bas, cadavres déjà, congelés, les faisant rouler pour tracer un couloir dans la neige

Et de ceux qui aurontvoulu aller plus haut encore
à la septième marche la plupart deviennent fous,
à la huitième ils regardent leurs doigts devenus noirs
leurs doigts morts et qui tombent,
en pleurant des larmes gelées

Certains auront eu l’idée de monter sur les dos des autres jusqu’à la troisième marche où s'éteignent la plupart, puis sur le dos des autres jusqu’à la cinquième, puis la septième et la huitième, et se seront enfin hissés jusqu’ici après quatre ou cinq montures

Ceux la je les refuse
Ceux la je les renvoie
*
Je regarde avec tristesse les os de ceux qui les ont portés,
Blanchis sous la neige dans l’escalier
Et je me dis qu’on aurait dû s’installer
Au rez-de-chaussée.
*

36

*
Demain et hier, je les imagine bien comme je veux, mais aujourd’hui je suis bien obligé de le prendre comme il est et c’est pourquoi je me rendors jusqu’à demain.

*
Revenez vite, je n’ai pas fait attention à vos mains !

35

*
Délices avec un miaulement de poisson
Sorti de l’eau
A l’hameçon
Et sur le dos

*
A partir d’un certain âge, on peut recommencer à s’émerveiller
(mais ce n’est pas acquis)

34

*
l’oiseau, la branche
L’oiseau sur la branche
Qui tient l’autre ?
Qui est l’oiseau, malgré ses ailes ?
Qui est la branche et ses bourgeons ?

On était comme cela
Au dessus de nous
Suspendus à l’arbre
Entre ciel et terre
Et c’était bon

*
Quand on voit certains chiens, on regrette moins d’être un homme

33

*
Que reste-t-il des livres qu’on a écrits ?
Quelques phrases peut-être
Qui surnagent comme des yeux dans le bouillon gras
On les mettra dans un poème
Mais pas celui là
L’Ob
L’Irtych
Le Ienisseï
Caïns sempiternels
Des livres qu’on a écrits
*
Dabek a décidé de ne se réveiller que lorsque quelqu’un lui touchera le bras

32

*
Le mot
« Amour »
Même s’il n’est pas prononcé
Parle à l’arbre qui pousse

*
Il faut que je fasse un peu de corde à sauter demain
Jeudi j’ai un match
Tes parents viennent dimanche
Jean était content de son entretien aujourd’hui
Tu vois, les oiseaux se sont tus
Avec la nuit qui tombe.
C’est fini.

31

*
« Je me suis endormie, et tu as continué à parler »
*
Solution simple pour qu’un journal intime ne soit jamais lu, le blog. Il peut y avoir des accidents cependant, mais pas ici.

30

*
Ils habitaient rue du ruisseau
Lui d’un côté elle de l’autre
Une nuit qu’elle rentrait de l’avoir vu
Il avait plu
Elle a disparu

*
Sous les pavés, l’eau du bain

29

*
Faucher
On devrait apprendre à faucher
Relation profonde à l’outil, au manche, au métal, au végétal, au geste, à la géométrie de l’espace, à la rosée
Faucher enrichit.
Faucher enrichit les kinésithérapeutes.

*
Cette jeune fille, aujourd’hui, si émotive, la surface d’un étang que trouble le moindre souffle d’air

28

*
Plus les cuisses sont grosses, plus les mailles du filet qui remonte des pieds au bassin vont s’élargissant au dessus du genou : une aubaine, quand il y en a, pour les gros poissons pris à l’intérieur de la résille, qui trouvent là haut leur porte de sortie.

*
Ceci n’est pas encore un plagiat

27

*
Cette jeune femme qui, il y a six ans, a adopté une petite chinoise, me demande aujourd’hui de leur apprendre à jouer au nain jaune

*
Je ne confie jamais mon argent à un banquier
Parce que nos intérêts
Ne sont pas les mêmes
Je ne confie jamais mon argent à un sommier
Parce que parfois c’est un registre
Où l’instruction met ses pièces

26

*
Pas à hésiter, bon sang !
Avance de trois pas en avant,
et…
Traverse l’écran !
*
Depuis qu’il achète moins, le pouvoir d’achat de Dabek ne cesse d’augmenter

25

*
Quand Fernande me parle, j’ai l’impression d’être timbré

*
Quand Dabek voit un essuie mains, il pense à un essuie seins. Il y a sans doute là une association d’idée, mais laquelle ?

24

*
Jean Rivet remarque que le verbe amour n’a pas de passé simple

*
Tous ces gens qui lisent avec des pincettes,
en se demandant à chaque ligne où tout ça mène,
devraient simplement se laisser conduite.
De quoi, au juste, ont-ils peur ?

23

*
Ainsi
Ici
Chaque ligne s’appuie sur les précédentes
Pour préparer l’échec suivant.

*
La propreté, c’est le viol

22

*
Ici
L’on n’aime pas la postérité
Ici
L’on vise à ce que ce texte soit lu de nombreuses années
Avant ma mort

*
Pourquoi me suis-je maquillée avec un type pareil ?

21

*
Quand on lui demande l’analyse des écarts du premier trimestre, Dabek répond parfois
« D’accord, mais il faudra d’abord neutraliser le gardien ».
On le laisse tranquille.

*
Parkinson remarque que toute bureaucratie crée les conditions nécessaires à saturer sa capacité de travail.
Les maisons d’édition ne sont pas des bureaucraties
Alors, qu’est ce qu’ils foutent ?

20

*
L’antipodiste, s’il parvient à ranger son crayon sur l’oreille, évitera absolument de marcher sur les mains

*
En physique, on apprend que le noir de réfléchit pas et que le blanc réfléchit. Et en philo, je n’écoutais pas.

19

*
Dabek regrette de ne pas avoir trouvé lui-même l’expression « sous virer comme une vache », et se demande quelle sorte de vécu antérieur a eu son inventeur.

*
Laissez moi finir cette phrase, avant de porter dessus l’un de ces jugements superficiels !

18

*
Normalement dans ce journal on est plusieurs à écrire,
mais là en fait on voit bien que c’est moi

*
Ce qui est bien avec les haltérophiles
C’est qu’ils ne disent jamais « en fait »

17

*
On frappe à la porte
On vient me chercher
Ils ont trouvé
Mon adresse IP

*
Qu’entend-il, celui qui vient de retrouver ses oreilles ?

16

*
Chère Mademoiselle Marion
Maintenant que tu es à Privas
Viens me voir
Je suis à Valence

*
Ces jours ci, autour de moi, un homme mène à bien avec une grande joie une tâche humble, ardue, pénible,
et cela
même s’il ne chante pas
m’ôte toute fatigue

15

*
Jacques Prévert remarque que le chien est fidèle à son maître, mais pas aux autres chiens

*
Sans doute une manière de mieux diffuser son parfum de porcelaine, cette démarche sautillante.
Envie de suivre cette fragrance brassée par ELLE
De s’y dissoudre aussi
Mais là voilà déjà, sautillant toujours
Qui revient

14

*
A certains moments, quelque chose devrait se passer,
et il ne se passe rien.

*
Depuis Mary Poppins
Dabek est tombé amoureux deux fois
Il l’a certainement connue très tard