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Parfois devant parfois dans l’orage parfois le suivant, il parcourt jusqu’à 1200 km en une journée pour prendre finalement une photo, une seule, à l’instant exact où le ciel se déchire mais ne saigne pas ce blanc fulgurant de l’éclair, à l’instant magique où au tirage on ne verra rien que du gris, du gris et la magie de ce moment là que l’homme épuisé est allé cherché si loin en le monde et si loin en lui même.

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Mais…Un bon tailleur choisit le poids du tissu selon celui de la fesse !
explique trop tardivement Dabek à sa cliente courroucée.

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Sous le titre « un homme dans le match – Matuidi a dompté son maître », on trouve de la plume d’un certain F.S. un « Son bagage technique et sa gestion fine de ses déplacements coulaient comme du miel entre ses doigts » qui nous semble infiniment supérieur au « On était bien loin du jeu léché d’antan dans les rangs asémistes » ou même au prodigieux « Dans une deuxième mi temps toujours aussi décousue, mais à sens unique, » de son collègue de page Jean-Michel Benedetti.
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Et l’on découvre ainsi que, depuis des années, oublieux des pages Sports du Dauphiné Libéré, on passait à côté des successeurs de Glen Baxter (« Helmut se réveilla toutes les douze minutes pour vérifier la taille du rocher ») et de Max-André Rayjean (« Il passa sa main dans ses cheveux légèrement argentés, du moins lorsqu’il n’était pas surpris en plein sommeil ») que l’on cherchait vainement dans les opuscules étiques des poètes de la modernité confidentielle.

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La lutte est perdue d’avance je le sais, mais du fait de l’alternance de conducteur la bataille fait rage dans la voiture qui nous ramène à nos pénates, bataille entre d’une part France Culture (désormais officiellement téléramisée) où coule en jours pairs le sperme tiède de la branlette intellectuelle (« le collège, un laboratoire d’analphabétisme ? »), et d’autre part la cyprine visqueuse du Moscato show de RMC (« Avant de débattre avec Vincent Moscato au 32-16, affutés vos arguments sur son blog »).

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Et , par suite des renoncements successifs de France Culture à toute exigence envers son auditoire, c’est cet « affutés » (copié-collé depuis le fameux blog) que gomme la radio mais qu’on entend pourtant à chaque mot qui, déjà et finalement, aura le dessus.

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Voilà que je commence à avoir l’œil attiré par les blondes. Il faudra que je consulte.

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Rien à voir avec la presbytie, me dit mon occultiste. Mais c’est quand même la cinquantaine qui approche. Et c’est 35 euros.

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Jacques Réda est vivant. Cette découverte fut pour moi merveilleuse, tant est libre de toute entrave l’écriture de ce vieux type et les poètes en Jacques aujourd’hui massivement décédés.

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Quand j’ai vu de mes yeux vu Jacques Prévert danser le madison je me suis dit qu’il fallait rentrer, qu’il fallait que quelqu’un me ramène, et ce matin tard au réveil j’avais vomi au pied de mon lit j’ai su que ce n’était sans doute pas Jacques Prévert parce qu’hier il ne fumait pas et aussi parce qu’il est mort, et j’ai beaucoup regretté cette mort parce qu’il dansait merveilleusement le madison exactement comme Jacques Prévert l’aurait dansé.

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Dans « American Beauty », le type (vous et moi) croit qu’il est vivant alors qu’il est mort, et découvre ce que c’est qu’être vivant au moment de mourir ; le tout dure 122 minutes.

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Il faut bien se simplifier la cinéphilie, Dabek ne va jamais voir les films au titre non traduit, sauf « Stranger than paradise » qu’il a déjà vu 9 fois – j’avais tapé 9 mois – se demandant (j’avais tapé debandant) toujours comment une valise peut mettre en branle un avion ; la suite dure 86 minutes.

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Peur de Bambi

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A cette vitesse le vélo ne fait aucun bruit, à ces hauteurs le Vercors est totalement désert d’homme, je pense aux secours qui ne viendront pas, au portable laissé au bureau, à un vélo écartelé couché sur la chaussée. Je pense au crépuscule où les bêtes sortent, je pense à Bambi qui aura traversé sous mes roues la route déserte au crépuscule, et mes trajectoires se crispent. A ce moment je le vois, il tord le cou vers moi devant son arrière-train comme un faon qui vient de traverser la route, il a ces grands yeux là curieux et apeurés, puis Bambi très vite et sans un bruit d'arbalète s’enfonce dans la futaie. Je suis déja au virage d'après je ne pense plus aux sangliers ni aux cerfs, plus aux lapins ni renards traversiers, je ne pense pas que d’autres biches peuvent surgir au crépuscule, mes trajectoires se dénouent, je descend comme un skieur oublieux de ses skis, oublieux de la neige, amoureux de sa vitesse, et je sais grâce à Bambi que rien ne peut plus m’arriver.

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« Le peintre iranien Iman Maleki, génie du réalisme, a gagné le prix William Bouguereau et le 'Chairman´s Choice lors du IIème Concours International du Art Renewal Center. Il est considéré comme le meilleur peintre d’art réaliste au Monde. Ses peintures sont aussi précises qu’un appareil photode 10 méga pixels, affirment les spécialistes ! »
(Texte accompagnant un diaporama diffusé sur le web, montrant quelques photos imitant des peintures)

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La miniature qui précède a été peinte à la main sur votre écran

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Rimes regrettables :
Pour mieux penser à elle il programme son réveil
Et pour l’oublier lui elle s’endort au whisky

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J’ai fait un nœud à mon mouchoir
J’ai passé le nœud à mon cou
J’ai repoussé le tabouret
Ce que j’avais peur d’oublier
C’est qu’il était en papier

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Dans un vrai livre, toute la générosité de l’arbre

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Si Dabek n’arrive pas à se projeter dans l’avenir, c’est qu’il a sans cesse l’impression de n’en avoir pas tout à fait fini avec le présent.

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La médecine classique l’a sauvé de deux cancers de façon assez froide et désagréable, pour son troisième il s’adresse à moi.
« La scribouillothérapie ne peut rien pour vous »
lui dis-je dans un accès de sincérité lié à la publication prochaine dans un catalogue mahotais d’une photographie où apparaît un livre mentionné dans un de mes écrits.
« C’est exactement ce que je recherche », me répond-il.

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A force de regarder travailler un énorme sablier, on meurt.

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Les véritables héros d’une catastrophe restent ignorés des médias. On parle beaucoup, depuis vendredi dernier, de Saint Donat sinistrée par l’Herbasse et les boues sablonneuses, et bien peu de moi. Pourtant j’étais tout proche, roulant courageusement sous les trombes sur la route de Chateauneuf de Galaure. Voyant venir à moi avec un bruit de limace le tsunami de boue charriant à hauteur d’arbre remorques, voitures et tracteurs, j’ai simplement mis le petit braquet et adopté ce pédalage aérien qui me caractérise en ces occasions là. Puis, ayant atteint le faîte du flux, me servant de mes roues carbone comme de quille et gouvernail, j’ai calmement rejoint la nationale dont s’est lentement repait l’oued, et le havre d’un café déserté où le repos m’attendait.

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La postière est enceinte de deux mois
Et ce n’est pas de moi

(ces rimes regrettables sont inspirées par Jean-marc La frenière)

109

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Tout à la fin de sa vie on retrouve le peintre, pinceau à la main, devant sa toile enfin vierge

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- Docteur, j’ai tellement souffert, vous ne pensez pas que j’ai le droit de changer ?
(Je ne suis pas seulement docteur, pensa-t-il. Egalement psychanalyste mémorialiste à l’APF. Mais il se contenta d’un « Hum… ? Continuez » qui lui permettrait de faire le joint avec la séance suivante.)

108

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Dabek est parti sans arroser ses soucis ? Qu’importe, se dit-il.
L’orage y pourvoira.

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A l’occasion de leurs vingt ans de mariage, ils projettent de remplacer le lit conjugal en 140 par du 160.

107

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Rimes regrettables :
L’un des deux est fourbu
L’autre n’en peut plus
Il y a bien longtemps
Ils étaient mes parents

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Une seule goutte est tombée, tout mon être est mouillé

106

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Est-ce qu’on est un oiseau, ou est-ce qu’on est un homme ?

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Je ne suis pas un oiseau

105

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Un carré à trois côtés est un triangle équilatéral

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Quand le chat rend son
Le sourd, y danse

104

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Elle :
Doc ! Eh Doc, dis donc ! Tu te rends compte qui t’encules là ? Christine Angot ! T’es en train d’enculer Christine Angot, tu te rends compte ?
Lui :
Cool !
Elle (in petto) :
Dis donc, Christine, tu te rends compte qui t’encule, là ? Doc Gyneco ! Himself. Je suis en train de me faire enculer par Doc Gyneco en chair et en os !
Lui (de même) :
Après ça, j’irai cracher sur Nothomb.

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Ce qui précède est la forme ultime (pour l’instant) de l’autofiction