360

Solitude.
Le miroir seule manière
De se voir

*
Inquiétude.
Il observe chez ses enfants
Les gestes de la relève

359

*
Suceuses soubrettes string salopes soumission
Ce soir séance sexe sans satisfaction

*
Il a abandonné le sexe il y a de nombreuses années, le jour où il a découvert ce qu’il aimait vraiment

358

« Allez papa »
« Vas-y Mickey »
« Ca va le faire »
« Plus que deux bornes »

*
Pour que sa littérature obscure
Touche un plus large public
Dabek tout l’été peinturlure
Les grands cols mythiques

357

Ca ne se voit pas, ça ne se dit pas, ça se devine à peine, ce n’est peut-être qu’un rêve, c’est sans espoir, ça finira brisé, ça sait que la machine broiera les grains de sable comme de blé, ça entend que ça ne fait qu’affaiblir la cause et que ça ne propose rien,
Au cœur du pré quand même ça résiste
 Parce que l’autre est le soleil, parce que tout n’est pas marchandise, parce qu’avoirs et falloirs peuvent être mutualisés autrement, parce que la liberté n’est pas une propriété barbelée, parce que le contraire de la violence c’est la pensée, parce que c’est simplement juste, parce que ça n’a pas besoin d’explications,
 Au cœur du pré ça résiste

*
C’est parce qu’au cœur du pré ça résiste
Que le coquelicot existe
Et que le pré existe
C’est ça qu’il faut regarder
C’est ça qu’il faut montrer


(suite et fin des n° précédents)
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356

Contre la barbarie qui se prévaut de sa propre barbarie, contre la violence économique mondialisée, contre la stigmatisation de ses victimes, contre la libre circulation vers le pays d’origine, contre le mensonge institutionnalisé, contre la baisse des impôts, contre l’enfance enfoncée, contre les shampoings pour cheveux normaux, contre le mieux disant le pire, contre le grand marché du gré à gré, contre le pré carré, contre le à tu et à toi, contre TINA*, contre les colons, contre « Tous les autres le font », contre la Croissance son église et ses prêtres, contre l’idée de la part de gâteau, contre les trajectoires individualisées / les contrats de progrès, contre les opérations de maintien de la paix,

*
Ca résiste


* « There is no alternative » : y’a pas le choix. TINA est aussi le nom d’une excellente revue de littérature.

(suite des n°353 à 355)

355

Ce voyageur qui protège l’expulsé, ce policier qui déchire ses papiers, ce visage qui rigole face à l’autorité, ce type qui vous lit des poèmes, ce paysan qui diffuse des semences interdites, cet anonyme qui parle pour mieux vous écouter, ce caddie sorti vide du supermarché, ces nomades qui snobent nos aires spécialisées,

*
Ca résiste




(suite des 353 et 354)

354

Maintenant regardons mieux.  Un médecin conteste la carte Vitale, un ouvrier décline les heures sup, un salarié refuse d’être noté, un artiste poursuit son travail méprisé, un chômeur ne se laisse pas radier, un fonctionnaire objecte, une queue demande son avoir en liquide à la banque, une mère renâcle à envoyer ses enfants se faire vacciner

*
Ca résiste


(suite du n°353)

353

Au bord du champ de maïs de soja de sorgho de blé standardisé normalisé engraissé désherbé, le coquelicot résiste. Normal, sa constitution le lui permet. Il y a des gens comme ça. Ca énerve un peu, mais c’est pas bien grave : ça ne renâcle qu’en lisière. Même, ça donne de la couleur, ça fait joli quand on passe en voiture, et sur les boites de muesli.

*
Maintenant regardons le cœur du pré, du champ de blé : épis bien alignés, calibrés, pétant de santé, rien d’autre que du bon grain.

(à suivre)

352

« Grande Synthe 2002 », huile de vidange sur carton recyclé, triptyque :
1- L’épouse du chasseur. Moi je n’ai jamais eu d’ennuis personnellement avec les magrébins, mais je connais plein de gens qui en ont
2- Mohamed. Il court il est mortellement touché, l’agonie a commencé, « Que se passe-t-il mon frère mon frère ? », d’ordinaire on est assassiné par quelqu’un qu’on connaît
3- Réactions pleines de dignité. La procession est venue devant le domicile de la famille, la foule immense s’est mise à prier, on entendait la mère pleurer sur son balcon

*
A la télé
Les jeunes agressent les gens
25 % de chômeurs à Grande Synthe en 2010
Installons des caméras de surveillance

351

« En dernière analyse, c’est la qualité d’exécution qui tranche », dit l’artiste avant de déclencher le geste compliqué de son bras droit prolongé de la hache qui vient trancher son cou posé sur le billot

*
Sauf à rester totalement immobile chacun devient contorsionniste et son propre bourreau.

350

Je suis noir, je suis pauvre, je n’ai pas d’identité, j’ai brûlé mes papiers. Je m’appelle Moussa, ce n’est pas mon prénom. Je viens du Sénégal, je vis sans traces. Un jour j’ai traversé l’Atlantique dans une pirogue, c’est pour ça. Je lis les romans de Wendy Guerra sur Cuba. Ils sont beaux. J’ai vu sur le Net, c’est la plus belle femme du monde. Je vais à une séance de dédicace. Je suis le seul noir ici, Wendy a la peau très blanche. Je la regarde, elle me regarde, elle sent que je l’aime, je sens qu’elle est triste. Au moment de la dédicace je lui demande d’écrire simplement une adresse, mon adresse. Elle signe « Fidel », elle dit qu’elle viendra.


&
Deux mois. Je l’attends. Elle ne vient pas. Des policiers viennent, mon nom mes papiers. Je m’appelle Fidel et je viens de Cuba, mes papiers c’est le livre. Ils le prennent.


(Re création d’un texte de Pierre Cherruau, « Adouna », Zaporogue #7)

349

Dans la cour carrée les prisonniers tournent en silence et en rond. Dans les miradors, les sentinelles, c’est leur seule distraction. Le fou ne sortira pas. Pour toujours il est assis contre le coin le plus sombre – il y en a toujours un – de sa cellule

&
Il a dérobé une porte que jamais on ne retrouvera

348

Marée d’équinoxe. La vieille quille couverte de vieilles coquilles s’essaie à nouveau à la danse de l’eau sur sa peau


&

La marée basse découvre une grosse conque. Je la porte à mon oreille. Le brouhaha, c’est moi.

347

On a bougé
Rien n’a bougé
On a acheté
Que reste-t-il ?
On fait quelques pas pour s’accorder
Aucun écho
On a nos alliances
Elles connaissent d’autres peaux
On a fait des enfants
C’est cela. Mettre bas.
On a soulevé des montagnes
J’aurais voulu un jardin…
On soigne notre intérieur
…avec des allées de gravier
On est dans l’écart qui nous sépare
Bonne idée. Mais trop tard.
Je pars
Non. Reste.

(Poème plagiaire n°4728-18, inspiré par "On", de Anael Chadli)



&

Tu es venue enfin
Tu te déshabilles enfin
Tu es nue enfin
Tu restes enfin
Je m’endors sur ta robe




346

*
Chaque jour dix fois peut-être elle entrouvre la porte sur la pièce astiquée encaustiquée où il n’y a jamais rien eu que des meubles, se penche pour regarder sans entrer puis referme la porte, le visage malheureux et rasséréné. Quelle souffrance quel effondrement quel raccourci vers la mort si un jour assis dans le fauteuil de cuir noir le dos tourné derrière sa pipe se trouvait là l’homme dont l’absence mille fois confirmée mobilise depuis trente ans chacun de ses muscles chacun de ses traits chacune de ses pensées chacun de ses jours.

*
Comprendre que tout est trappe, que tout ce qui n’est pas trappe en est le fond à recoins.

345

J’ai vu ce banc dans ce lieu calme. Je me suis vu assis sur ce banc, face à ce petit lac posé par un creux de terre et beaucoup de calme au cœur de la forêt. Je me suis assis sur le banc et j’ai longuement observé tout ce que cette immobilité faisait bouger.

&

Plus tard je suis reparti ; tout était bien différent. Je ne sais pas précisément ce à quoi j’avais pensé, mais je l’avais pensé très fort.