331

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Rectangles bourdonnants incessants aux plafonds des après-midi d’été
La mouche moche la moche mouche la mouche moche la moche mouche
La mouche infiniment prisonnière d’elle-même
Rectangles comme si elle se cognait à chaque coin à une vitre invisible
Vitre qui n’existe pas
Dabek couché dessous ça sur son canapé comme l’oiseau englué à la branche et tout ce ciel autour qu’il appelle de ses ailes liberté
Dabek regarde ça en se heurtant à chaque fois aux marges invisibles de chaque mot qu’il écrit
Marges qui n’existent pas

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Il vit désormais à l’extérieur du cercle qu’il a tracé à la craie à partir de son centre

330

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Souffler pour résister
Bourdonnement
Souffler au premier tour souffler au second tour souffler toujours
Dans ce drôle d’instrument
Souffler fait tomber les murailles de ce monde factice
Souffler à travers la télé jusqu’au sein des foyers
Soufflet au supporter
Faire fuir la ménagère
Souffler dans le plastique
Pour que s’écroule la deuxième tour
Souffler toujours pour sauver les abeilles
Ne pas s’arrêter de souffler


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« Va te faire enculer »
A tout fait s’écrouler
« Ce n’étaient pas mes mots »
Trompette de Jéricho
« Va te faire épiler »
Sont ceux que j’avais
Prononcés

329

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Jambes passées aux mines
Ca vous détermine

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Mourir permet d'entamer sur soi un travail dans le mou qui ne laissera même pas la peau sur les os mais laissera les os

328

C’est alors, disait Boris Vian, qu’il se mit à ressembler à Boris Vian au point d’en prendre le nom

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Dabek, l’inverse
Dabek n’a pas toujours de nom
Dabek n’a jamais le même visage
Parfois trop tôt cueilli sur l’arbre, trop lisse, couleurs mort-nées, amertume sous la peau épaisse et dure comme celle d’un galet
Parfois eau croupie au fond d’un seau de maçon resté là, moisissure poilue en surface, moirures, début de vie grouillante sans doute en dessous, qui éloigne
Parfois tout en oeils, le regard ayant en bouclier pour ainsi dire projeté les yeux à distance, et qui dirait alors ce qui s’avance derrière l’écu ?
Parfois forme informe soumise au vent qui vise à l’emporter, résistant en roseau à cet emportement, sauf le nez affûté en brise-bise
Parfois jus qu’on retient les mains jointes après l’incendie et l’inondation de la maison
Parfois c’est simplement de l’air, de l’air évasif posé là en transparence de lui-même, et il faut alors qu’une araignée en profite pour qu’on devine en lui l’auteur et l’œuvre de sa toile
Parfois simple goulot, goulot pour toutes les fonctions, ouïr, humer, proférer, suçoter, filtrer, goutter, capturer la lumière des choses, visage intégralement goulot jamais au repos et qui vous fait d’instinct chercher par terre une capsule
Souvent son visage lui semble être le miroir où il regarde son visage
Et une fois, une seule fois, un instant à peine et clic, photo, la seule photo que l’on connaisse de lui
Et qui ressemble à un cri


327

M’abandonner c’est le seul moyen qu’elle avait trouvé pour, elle, ne pas se sentir trop mal. Me mettre loin. Elle avait remis à mon ange gardien toutes les images qu’elle avait gardées de moi, l’image contamine. De moi elle attendait désormais le silence visuel et la distance infranchissable qu’il lui faudrait pour m’aimer.

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Ca ne m’a pas empêché de vivre, mais ça a arrêté le temps. Je suis resté un petit enfant, petit ruisseau qui coule dans le temps arrêté sans espoir d’embouchure.

326

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Premier rendez-vous avec elle
C’est une longue coulée de gamins
Prévoir le côté visuel
Entre les seins

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Césure de l’exil en son milieu, cette ville est une île
Mer invisible de gestes et d’orgueils, accostage
Du haut des normes internationales mener l’enquête
Son premier mouvement est pour les enfants
Convoitise qu’appellent les cris, s’activer sur une sœur
Collection de clochettes de chèvres dévorées par les loups
Puis ceci est un hold-up cagoulés dans une banque
Les sirènes de la police pour partie ont un rythme bancal
Poêlée menottée dans la cage à pneus
Murmure de l’œil d’une seringue
Planète des singes, ne plus respirer