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C’est alors, disait Boris Vian, qu’il se mit à ressembler à Boris Vian au point d’en prendre le nom

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Dabek, l’inverse
Dabek n’a pas toujours de nom
Dabek n’a jamais le même visage
Parfois trop tôt cueilli sur l’arbre, trop lisse, couleurs mort-nées, amertume sous la peau épaisse et dure comme celle d’un galet
Parfois eau croupie au fond d’un seau de maçon resté là, moisissure poilue en surface, moirures, début de vie grouillante sans doute en dessous, qui éloigne
Parfois tout en oeils, le regard ayant en bouclier pour ainsi dire projeté les yeux à distance, et qui dirait alors ce qui s’avance derrière l’écu ?
Parfois forme informe soumise au vent qui vise à l’emporter, résistant en roseau à cet emportement, sauf le nez affûté en brise-bise
Parfois jus qu’on retient les mains jointes après l’incendie et l’inondation de la maison
Parfois c’est simplement de l’air, de l’air évasif posé là en transparence de lui-même, et il faut alors qu’une araignée en profite pour qu’on devine en lui l’auteur et l’œuvre de sa toile
Parfois simple goulot, goulot pour toutes les fonctions, ouïr, humer, proférer, suçoter, filtrer, goutter, capturer la lumière des choses, visage intégralement goulot jamais au repos et qui vous fait d’instinct chercher par terre une capsule
Souvent son visage lui semble être le miroir où il regarde son visage
Et une fois, une seule fois, un instant à peine et clic, photo, la seule photo que l’on connaisse de lui
Et qui ressemble à un cri