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Peur de Bambi

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A cette vitesse le vélo ne fait aucun bruit, à ces hauteurs le Vercors est totalement désert d’homme, je pense aux secours qui ne viendront pas, au portable laissé au bureau, à un vélo écartelé couché sur la chaussée. Je pense au crépuscule où les bêtes sortent, je pense à Bambi qui aura traversé sous mes roues la route déserte au crépuscule, et mes trajectoires se crispent. A ce moment je le vois, il tord le cou vers moi devant son arrière-train comme un faon qui vient de traverser la route, il a ces grands yeux là curieux et apeurés, puis Bambi très vite et sans un bruit d'arbalète s’enfonce dans la futaie. Je suis déja au virage d'après je ne pense plus aux sangliers ni aux cerfs, plus aux lapins ni renards traversiers, je ne pense pas que d’autres biches peuvent surgir au crépuscule, mes trajectoires se dénouent, je descend comme un skieur oublieux de ses skis, oublieux de la neige, amoureux de sa vitesse, et je sais grâce à Bambi que rien ne peut plus m’arriver.