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Au premier essai nucléaire de la nouvelle ère la table du salon s’est mise à gigoter au point que la boîte à boutons est tombée. Son contenu s’est éparpillé sur le sol. Les boutons sont des souvenirs percés de deux ou quatre trous, on y redécouvre le passé comme au travers d’une serrure. Sur le sol de l’autre côté de la porte sont des dizaines de souvenirs de nacre, de métal, de cuir, de corne, d’os, de plastique, qui rattachent à un vêtement, à un être, à un age révolu. Bien entendu j’étais en culottes courtes, avec cet espèce de pull gris au col en V sur ma chemisette rose et blanche. Les lattes du parquet étaient si disjointes que certains boutons y coinçaient leurs tranches et restaient dressés, j’y voyais les roues orphelines des véhicules ennemis atomisés par l’explosion. A la fin je ramassais les boutons et les rangeais dans la boîte, je la remettais sur la table, et préparais avec mon commandement de plomb l’essai suivant de la nouvelle ère.

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Egalement, je passais un aimant au dessus des failles séparant les lattes pour récupérer les aiguilles (et les fils parfois passés dans leurs chas) qui s’y étaient terrées, dont je me servais ensuite pour curer la matière noire qui s’était accumulée depuis la dernière fois, le temps.