371

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Ne jamais lui dire 
Au funambule aux pieds nus
Qu’il est sur le fil du rasoir

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Accepter l’aliénation totale et non négociable à un facteur contingent et souvent pénible : ayant perçu la proximité entre l’amour transi (ridicule) et la maladie grave (fébrilité), Dabek en dernier recours en choppe une belle, une grosse, une longue et à pronostic réservé. Mais l’Autre ne vient pas à son chevet. Non, elle ne viendra pas. Dabek se désentube, se lève, s’en va. Il est guéri. Miracle de l’amour.


370

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Quand il était petit, les combats à l’épée, Dabek croyait qu’il fallait toucher l’épée de l’autre.

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Pour éviter la première gifle, il tendait tristement l’autre joue.

369

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Je vous écris du brou des doigts, le vent fou a gaulé les noix. J’étais sorti glaner des pommes, c’était sans doute imprudent : j’avais oublié la réforme, celle qui a détraqué le temps. Un vent du nord plein d’impatience giflait les arbres et les gens. Dans les rues s’étalait la souffrance en longs cortèges intelligents. Ce qu’on découvrait ainsi en marchant avait de quoi plomber l’ambiance : l’Etat ces derniers temps en France est devenu l’ennemi des gens.

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J’étais allé glaner des pommes 
J’ai ramené une grosse de noix
Il faut prendre ce que donne l’automne 
On l’inventera sous nos pas

368

Chercher le sommeil dans ce canapé même pas convertible sous un plaid en macramé alors qu’à côté il (mon pote Seb) et elle (rencontrée dans une soirée où elle a absolument tenu à me lire ses poèmes) s’activent, ce ne serait pas si grave : je m’endormirais avant eux. Non ce qui m’assure l’insomnie c’est ce sentiment absolument pas paramnésique d’avoir déjà vécu un certain nombre de fois une scène similaire et d’être une fois encore du côté des poètes.

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On finit par évoluer vers la situation dans laquelle on se trouve. 

367

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« Dieu vient vite à l’esprit face à l’océan, face à la lande»

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Face à certain déhanchement, aussi. Dabek ayant enchaîné en proposant de lui faire un enfant (du bon dieu), elle lui présenta un devis d'enfer.

366

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Je suis allé à la rivière. J’ai dérangé un héron imbécile et cendré qui s’est envolé de l’autre côté. La rivière crée sans cesse une autre rive. La rivière crée bien nettes une droite et une gauche, et aussi - quoique plus confusément-  un amont et un aval, un avant et un après. La rivière crée du doute. Importance du mot rivière dans le mot guerre. Importance du mot gué, où j’ai mouillé mes pieds. Depuis sa planque le héron sans doute me regardait m’avancer.

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Chacun se décide chaque matin à se lever, à se mettre en route. Nous avons le poids de l’avenir qui s’ajoute à celui du passé et enfonce nos pas sur cette terre alors que nous voudrions enjamber de l’air et marcher comme tout homme en direction du ciel. Au lieu de cela nous longeons le cours d’eau jusqu’à son embouchure.

365

Onaniste de sa baignoire.
Le robinet ! La bonde ! La chaînette ! Le gant séché humide au pli ! Le trop plein ! La savonnette ridée ! Le rideau déperlant ! Le tuyau de douche ! Les traces sur l’émail ! Le Dop ! Le mitigeur !
Dabek finit par tremper dans son jus.

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Petit garçon à l’heure du conte. Trop petit sans doute, mais maman avait un amant. Aujourd’hui fait pipi chaque fois qu’il lit.

364

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J’écoute ta voix portée par le vent chaud des ondes. Tu joues la comédie de l’artiste sur le ring. Tu boxes, en aveugle dis tu, un adversaire griffu et supérieur en nombre. Tu feintes, esquives, combat contre ton ombre, pour atteindre le gong en évitant ses swings.
Pierremichonnades et bergouniouseries, vaste rigolade, grosse fumisterie :
Tu n’es entre ces cordes que pour tromper ton monde, le combat est ailleurs, ici, sur les ondes. Tu seras plus tard exhumé des archives de l’INA : il y aura la foule, on te resservira, rien n’était arrivé avant que tu ne tombes.

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L’artiste avisé
Prend les devant
Il construit sa postérité
De son vivant

363

Mon enfance m’est revenue devant le monument aux morts, justement.
Le poilu a été repeint en bleu horizon, le visage rose bébé, la moustache
J’en aurais rêve de cette moustache charbon
Tout à l’heure pour toujours manqueront mes parents 
Quand je pousserai 
La porte 
De la maison
Puis il faudra bien repartir pour de bon
Des gamins feront coup franc dans une cour sans ombre
Aux arbres débutants.

*
Ce qui est arrivé un jour
Est là pour toujours


(Merci à Michel Quint)

362

Quand Dabek tombe par hasard sur un livre dans son bar, c’est rarement du Brautigan. Mais quand ça arrive, quelle coïncidence ! N’y tenant plus, il court alors à sa bibliothèque, en extrait un vieux Dylan Thomas single malt déjà largement entamé, et s’en sert une bonne rasade.

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« Non, ce n’est pas la pluie qui tombe, c’est l’humidité qui sort du cœur cassé »

361

Pendant que leurs queues battent l’air comme les bras des enfants, les huit chevaux de bois échangent de longs hochements de tête. Dabek marche à côté du manège, le monde tourne sous ses pieds comme un gros ballon sous l’acrobate qui recule.

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Ayant perdu son ombre dans la foule, il l’imagine qui s'éloigne aux bras d’un inconnu trop grand pour elle et ne la voit pas qui lui fait signe de les rejoindre